Les racines du rugby plongent très loin dans le temps. Le geste symbolique accomplis par William Web Ellis en 1823 et qui consacre l’avènement du football rugby, ne représente qu’un aspect très ponctuel d’une évolution qui continue à se produire actuellement. Ce geste révolutionnaire, où l’élève de la public-school de la ville de RUGBY (Angleterre) courut, au mépris des règles établies, en portant le ballon qui jusque là n’était que frappé, a peut-être été le lien entre les jeux traditionnels et les jeux sportifs codifiés...
Mais ce n’est qu’une supposition. L’essentiel est que le rugby n’est pas né en Angleterre avec W. W. Ellis mais trouve ses origines dans les jeux populaires existants à cette époque en Grande-Bretagne et en France... et en remontant plus loin dans l’Antiquité, dans beaucoup d’autres pays. Ces jeux ne s’appelaient certes pas RUGBY (et pour cause !) mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit de certaines analogies troublantes avec le jeu de rugby actuel ! [1].
Les civilisations anciennes (chinoise, assyrienne, égyptienne) connaissaient déjà les jeux de ballon. En atteste le présence de vessies, d’outres bourrées de paille trouvées dans les tombes de Thèbes, de fresques ou de diverses poteries représentant ces jeux.
Dans la Grèce antique, on pratiquait des jeux de balle ou de ballon à destination récréative ou d’entraînement militaire tels que l’ÉPISCYRE, l’APPORHAXIS [2], l’URANIE et surtout la PHÉNINDE, jeu militaire de gagne-terrain particulièrement prisé par les habitants de SPARTE, ville célèbre pour ses traditions guerrières... La PHÉNINDE deviendra dans la Rome antique, sous le nom d’HASPARTUM [3], le jeu/exercice favori des légions romaines pour l’apprentissage du combat :
deux camps s’opposaient sur un terrain de 100 à 150m de côté en s’efforçant de parvenir à amener une balle (vessie bourrée de son)... derrière la ligne du camp adverse !
La fin de l’empire romain va entamer, pour quelques siècles, une période troublée, mais il est vraisemblable que les jeux subsistent en tant que tels comme activité où sont capitales la possession ou la progression de la balle et l’affirmation de la virilité (qualité indispensable à tout combattant), activité essentielle des peuplades dites « barbares ».
A la fin du 1er millénaire, apparait alors la SOULE (ou CHOULE dans le Nord) [4] jeu d’origine celtique, joué dans les provinces occidentales (Normandie, Bretagne). Jeu de ballon primitif et rudimentaire, que certains rattachent au culte du soleil, il rassemblait des jeunes gens de deux communes voisines formant deux camps rivaux, quel que fut leur nombre. Il s’agissait d’amener, à coup de pied ou en la transportant, une balle (vessie de porc bourrée de son ou de paille) jusqu’à la commune des adversaires, sous le porche d’une église, sur la place du village, où une mare, pour être déclaré vainqueur.
L’excessive virilité du jeu de SOULE, ses aspects dangereux (car il y eut des morts !) lui valut des restrictions voire des interdictions officielles par édits royaux.
C’est à cette époque-là aussi (1066) que les Normands, envahissant l’Angleterre avec l’armée de Guillaume le Conquérant y apportent la SOULE NORMANDE, longtemps tolérée à la campagne pour les paysans, mais interdite en ville pour les bourgeois et les gentilshommes. C’est ce jeu normand qui aurait fait souche pour donner naissance au HURLING TO GOALES, au HURLING TO THE COUNTRYE [5].
Au XVe siècle, quelques seigneurs florentins, émigrant en Grande-Bretagne, y importèrent, avec leur coutumes, un jeu de ballon, le CALCIO, dont les dispositions de joueurs sur le terrain étaient identiques à celles du rugby actuel avec 8 avants, 2 demis, 4 demis-arrières et 1 arrière... soit 15 joueurs ! le jeu avait pour but de propulser une balle ronde par tous les moyens dans une cage !
A la Renaissance en France, la SOULE « s’humanise » et se développe dans tout le pays :
En Angleterre, à la même époque, la SOULE est devenue un jeu, joué en champ clos, ou sur des places en ville ou des prairies à la campagne. Toutes les classes de la nation s’y adonnent, avec des règles de plus en plus précises. Il prendra alors le nom de FOOT-BALL ! On le pratiquait aussi dans les public-school (collèges) a des fins récréatives d’abord, éducatives ensuite, sous l’impulsion de Thomas ARNOLD, directeur du collège de RUGBY. Il s’agissait alors d’envoyer le ballon à coup de pied dans un espace entre deux poteaux joints par une barre transversale... et quelque fois une corde, à hauteur d’homme probablement ! On pouvait attraper le ballon à la main mais seulement après le premier rebond et on pouvait alors, après avoir reculé à sa guise, le botter au pied vers l’avant, les adversaires ne pouvant aller au-delà de l’endroit où la balle avait été attrapée. Mais en aucun cas on ne pouvait transporter la balle jusqu’au but.
C’est cette règle que W. W. Ellis transgressa un jour de l’automne 1823 en portant la balle dans les buts adverses.
C’est en 1863, en Angleterre, qu’eût lieu la grande scission entre le FOOT-BALL RUGBY que pratiquaient les « ruggers » et le FOOT-BALL ASSOCIATION auquel jouaient les « soccers »... Quarante ans après le geste historique de W. W. Ellis, le football actuel prenait naissance. Pour le foot-ball Rugby... ce serait pour plus tard !
Il est intéressant de noter que c’est la structure des lieux où se déroulent les matches qui déterminera l’évolution ultérieure du FOOT-BALL. En effet, devant les dangers représentés par des matches sur des pavés, on est conduit à supprimer le jeu à la main qui conduira en 1863 à la création de la FOOT-BALL ASSOCIATION [7].
De 1840 à 1870, ce fut une époque de grande confusion. En 1846, les règles officielles du FOOT-BALL selon les règles du collège de RUGBY stipulaient encore :
Il faudra attendre 1871 pour que naisse la Rugby Football Union, portée sur les fonts baptismaux par vingt-deux clubs anglais [8], appliquant dès lors un règlement très proche de celui du jeu actuel. Quant à l’arbitre, il n’apparut qu’en 1877 (et encore sans sifflet apparu seulement en 1885 !), puisque auparavant les litiges étaient réglés par les capitaines des deux équipes.
En France, à la même époque, se répandit le jeu de BARETTE [9], en Ile-de-France, en Auvergne, en Picardie, Artois, Bretagne et Sud-Ouest. Ses règles sont la réplique, presque identique, de celles du FOOT-BALL-RUGBY anglais ! (voir les règles du jeu de la barette).
Le jeu se clarifia ensuite au cours des décennies suivantes, entre 1875 et 1895, par :
Ainsi apparait « le jeu de ligne » avec avants approvisionneurs et demis transmetteurs, puis arrières chargés de l’initiative du mouvement. En même temps que le jeu évolue, le règlement s’adapte puisqu’on valorise l’essai à 3 points... si l’on franchit la ligne de but... comme au football américain aujourd’hui.
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