Précisions d’André ROUX :
Le jeu tel qu’il est décrit ici représente la formule francisée du jeu de foot-ball primitif tel qu’on le jouait au cours du 19e siècle en Angleterre après « l’exploit de WW.ELLIS » et avant que les règles ne fussent stabilisées à la fin du siècle pour constituer le « foot-ball-rugby » se différenciant ainsi du « foot-ball association ». Cet exposé des règles de la Barette, participe de l’histoire du jeu de rugby qui n’est pas né par génération spontanée mais a été élaboré par adaptations successives au cours des différentes époques historiques !
A. ROUX
Les jeux de plein air
« Petit Français Illustré » - 8 juin 1889
Les jeux de plein air, trop longtemps négligés par la jeunesse française, sont en train de reprendre la faveur qu’ils méritent pour leurs excellents effets physiques et moraux. De toutes parts, dans les lycées, dans les collèges, dans les écoles, des associations se forment pour les pratiquer avec suite, en y apportant l’ardeur que donne l’émulation. Une ligue puissante s’est formée tout exprès [1] pour rechercher et formuler les règles de nos vieux jeux français, pour en répandre le goût, pour en faire connaître les merveilleux effets au point de vue de la vigueur, de la santé, de la force, du courage, de toutes les qualités qui font l’homme vraiment digne de ce nom.
Le Petit Français ne pouvait rester étranger à ce grand mouvement national. Il a demandé à un écrivain compétent la description des grands jeux de plein air ; à un artiste habile, des croquis pris d’après nature, au Bois de Boulogne. Il est heureux d’offrir à ses jeunes lecteurs le résultat de cette collaboration et de concourir ainsi directement au relèvement de notre race par les exercices mêmes qui ont fait si longtemps sa force et son éclat.
La Barette.
La Barette ou Ballon-au-pied s’est jouée de tout temps dans la France méridionale et centrale, aussi hien qu’en Picardie, en Artois et en Bretagne. Elle prend seulement des noms divers selon les régions et s’appelle tantôt soule ou choule, tantôt melle, tantôt ballon, tantôt barette.
La manière de jouer présente aussi d’assez grandes différences locales : ici le ballon ou barette ne doit être frappé qu’avec le poing, parfois protégé par un gantelet de cuir ou un brassard de bois ; là, c’est au contraire avec le pied seul qu’il est permis de le lancer ; ailleurs, les membres inférieurs et les membre supérieurs peuvent être de la partie. Il n’est pas jusqu’à la forme du ballon qui ne soit variable : tantôt elle est sphérique et tantôt ovoïde, et ses dimensions ne présentent pas moins de différences. Enfin le but qu’il s’agit d’atteindre ou de franchir est également varié : ici, c’est une simple ligne tracée sur le sol ; ailleurs, une paire de poteaux ou de piquets plantés en terre ; ailleurs encore, un cerceau tendu de papier de soie et analogue à celui des écuyers de cirque.
Au milieu de ces coutumes locales, il fallait choisir avec discernement, et il était naturel que la coutume adoptée à Paris prévalût. Des joueurs venus de toutes les régions de la France pourront ainsi désormais mesurer leur force et leur adresse à ce jeu si bien fait pour les passionner et les exercer en les amusant. Voici donc la règle de Paris.
Règle des jeux. – La Barette est de forme ovoïde et d’environ trente centimètres de long sur vingt de large. Elle est constituée par une vessie de caoutchouc couverte d’une forte gaine de cuir ; la vessie bien gonflée et bien fermée ; la gaine solidement cousue au point de sellier et lacée sur le côté.
Une Barette bien conditionnée coûte une dizaine de francs. On peut à la rigueur l’obtenir à meilleur marché, en se contentant d’une vessie de porc sur laquelle on fait coudre sous ses yeux une gaine de bon cuir de veau, par un cordonnier ou un sellier ; mais c’est chose assez hasardeuse, car il n’est jamais facile à un ouvrier d’arriver du premier coup à la perfection dans un travail nouveau pour lui. Le mieux est donc de se cotiser à quinze ou vingt amateurs pour se procurer chez un spécialiste une bonne barette et, quand on l’a acquise, d’en avoir grand soin.
Il faut la graisser après chaque partie, la suspendre dans un lieu sec et aéré, la faire réparer aussitôt qu’une couture paraît céder, et surtout s’assurer avant de se mettre au jeu que la vessie est bien gonflée. Grâce à ces précautions, une barette peut durer deux ou trois ans et amuser vingt à trente joueurs pendant plusieurs saisons consécutives. Si l’on a mis à cet achat cinquante ou soixante centimes par tête, on ne peut donc pas dire qu’on n’en ait pas pour son argent.
Mais ce n’est pas tout d’avoir le ballon : il s’agit de trouver un emplacement favorable au jeu.
Le meilleur est une grande pelouse ou prairie qui ne redoute pas le piétinement de vingt à trente joueurs. A défaut de pelouse, on peut se contenter de la première esplanade venue. L’essentiel est qu’elle soit assez vaste : cent cinquante mètres au moins, par cinquante à soixante de large.
Sur cette esplanade ou prairie, on marque avec quatre piquets un quadrilatère aussi grand que possible, ABCD.
Les grands côtés du quadrilatère, AC, BD sont les lignes de touche. Les côtés AB, CD sont dîts lignes de but. Au milieu de chacun de ces deux petits côtés, deux poteaux séparés par un intervalle de trois mètres marquent les buts. Ces poteaux doivent avoir au moins quatre mètres de haut. A trois mètres au-dessus du sol, ils portent une corde horizontale pourvue en son milieu d’un petit drapeau.
Ceci, bien entendu, quand on veut jouer selon la règle stricte, à la suite d’un défi entre deux écoles, par exemple. En ce cas, le drapeau, de chaque côté, est aux couleurs du parti qui l’occupe. Mais dans la pratique, pour simplifier les choses, on peut se contenter de deux piquets quelconques, ou même d’une simple ligne tracée sur le sol, pour marquer les buts.
- A milieu de chacun des deux petits côtés, deux poteaux séparés par un intervalle de 3 mètres marquent les buts.
Ces préliminaires arrêtés, il s’agit de former deux camps. Les joueurs ont désigné deux capitaines et se sont rangés en ligne devant ces chefs élus ; chaque capitaine à son tour choisit alternativement un joueur, jusqu’à ce que le contingent soit épuisé. Cette désignation au choix est naturellement une source d’émulation qui porte les élèves à s’appliquer au jeu, afin de se faire rechercher et nommer des premiers. Les deux camps formés, on tire au sort la place, c’est-à-dire le côté du champ de jeu que choisira le gagnant ; et cette place une fois déterminée, on n’en change plus qu’au milieu de la partie, si l’autre camp le désire.
Les deux armées prennent donc position en avant de leur but respectif, pour empêcher la Barette de le franchir. A cet effet, chacune se dispose en ordre dispersé, avec son avant-garde, son centre et son arrière-garde.
Il s’agit d’arriver à envoyer le projectile entre les poteaux et par-dessus la corde du but adverse, et de marquer ainsi un point.
La partie se compose habituellement de plusieurs reprises de trois points, dans un temps fixé d’avance.
On doit observer les règles suivantes.
- – La Barette ne sera jamais lancée avec les mains. Mais il est permis de la saisir, de l’emporter et d’aller la déposer au but adverse.
Il y a trois manières de la lancer :
a. En la posant à terre sur un bout, dans un petit creux du sol, et prenant élan pour la frapper du pied ;
b. En la laissant tomber et la frappant du pied avant qu’elle ait touché terre ;
c. En la laissant retomber à terre et la frappant du pied après son premier bond. - – Les joueurs en place, le capitaine du parti qui n’a pas eu le choix du côté pose la barette au milieu du champ,
et d’un coup de pied l’envoie vers le but adverse. Jusqu’à ce moment, l’avant-garde des deux partis doit être restée à la distance de dix mètres au moins du ballon. Mais dès qu’il a quitté le sol, les évolutions sont libres.
- – Quand la Barette, du premier coup, franchit une des lignes de touche, le coup est nul et doit ètre recommencé.
Il en est de même si la Barette, ayant de ce premier coup franchi le but adverse, est saisie avant d’avoir touchée terre.
Il est donc très important de poster en arrière du but un joueur énergique et adroit, capable de prévenir ainsi le point le plus aisé à marquer. - – La Barette une fois lancée correctement, c’est-à-dire dans les limites du champ, l’objet propre du jeu est, pour chaque joueur, d’arriver à la faire passer derrière les deux poteaux du but adverse, ou tout au moins derrière la ligne de but, et pour cela tous les moyens sont bons : c’est-à-dire qu’on peut, soit lancer la Barette d’un coup de pied, soit s’en saisir et l’emporter vers le but.
D’autre part, les adversaires poursuivent le ravisseur, cherchent à lui couper le chemin, à l’arrêter, en un mot à le mettre dans l’impuissance de réaliser son dessein. Mais il est indispensable que cette poursuite ne dégénère pas en pugilat, en luttes corps à corps et en bagarres : c’est pourquoi on est convenu que, pour faire prisonnier le fugitif, il suffit d’effleurer la Barette qu’il emporte, en criant : touché !
Aussitôt chacun s’arrête et l’avant-garde des deux partis se plaçant en rond, épaule contre épaule, la face vers le centre, forme ce qu’on appelle le cercle ou mêlée. - – Au milieu de cette masse compacte, on laisse tomber la Barette, de telle sorte qu’elle roule à terre. Le cercle se resserre, chacun pousse de son mieux, jusqu’à ce que la Barette, heurtée par tous ces pieds, sorte de la mêlée, sans avoir été volontairement frappée.
Aussitôt qu’elle est sortie, s’en empare qui peut, pour tenter de l’envoyer au but. - – Il est expressément stipulé que les joueurs doivent toujours se tenir entre la Barette et leur camp ; faute de quoi, on crie : en place ! et c’est encore un cas de « cercle ».
- – Un joueur qui court en emportant la Barette et qui se voit sur le point d’être pris, la lâche-t-il ou la lance-t-il autrement qu’avec le pied, on crie : à faux ! et le camp adverse a droit au coup franc.
- – A cet effet, un des joueurs de ce camp prend la Barette, la place debout sur le sol et la frappe du pied, tous les autres se tenant à six mètres de distance au moins.
- – Pour faire le but d’emblée, en courant avec la Barette, il faut d’abord l’envoyer d’un coup de pied entre les poteaux, à la hauteur voulue, puis la ressaisir et lui faire toucher terre derrière la ligne de but, - ce qui n’est pas aisé à réaliser ; ou bien il faut contourner le but et venir déposer la Barette entre les poteaux, chose peu commode aussi.
Le plus souvent, le coureur qui emporte la Barette arrive seulement à lui faire toucher terre au delà de la ligne de but. C’est ce qu’on appelle gagner un avantage, parce qu’on acquiert ainsi le droit de frapper un coup franc. - – Aussitôt que la Barette a passé la ligne de but, celui qui la saisit le premier et lui fait toucher terre a droit au coup franc. S’il appartient au camp de ce côté, il fait vingt-cinq pas vers le camp adverse et frappe son coup dans le même sens. Au cas contraire, il marque seulement quinze pas et envoie son coup vers le but auquel il a tourné le dos en comptant ces pas.
- – Si la Barette franchit une des lignes de touche, qui peut la relève et se place au point où elle a franchi la limite. Tous les autres de son parti se rangent face à face devant lui, sur deux lignes, de manière à former une sorte de couloir vivant. Lui, saisissant bien son moment, il fait toucher terre à la Barette et vivement l’envoie à l’un des siens, ou bien, après une feinte, il l’emporte en courant vers le but tandis que les adversaires surveillent les joueurs du couloir.
- – Tout joueur qui saisit et arrête la Barette à la volée a droit au coup franc.
- – Pour marquer un point, il faut avoir fait passer correctement la Barette dans le but adverse, selon les conventions arrêtées.
Si le but a été franchi incorrectement, c’est-à-dire si la Barette passe plus bas qu’il n’a été convenu, on compte seulement une touche, c’est-à-dire un quart de point. - – Les deux camps changent habituellement de côté au milieu du temps assigné à la partie.
Dr G.
La Barette et le Docteur Tissié
publié le 19 sept. 2018 sur le site : surlatouche.fr
Alors que le football-rugby faisait ses premiers pas en France, un petit groupe amené par le Docteur Tissié a tenté de faire émerger une version nationale de ce jeu : la Barette.
Quel sport voulons nous ?
1870. Napoléon III. Dépêche. Sedan. Raclée. Pourquoi une telle défaite ? La dégénérescence de la race française est pointée du doigt, son manque de rectitude, d’hygiène. L’absence d’éducation physique des jeunes hommes, futurs appelés de la Revanche, devient soudainement un problème national. Nombreux sont ceux qui, outre la gymnastique déjà implantée, souhaite importer en France les sports à la mode britannique. Évidemment, le baron Pierre de Coubertin en est la figure la plus célèbre. Le Dr Philippe Tissié (1852-1935) en est une autre.
« L’objet essentiel du sport est de développer la santé, la beauté, la force, l’adresse de l’enfance et de l’adolescence scolaire et post-scolaire des deux sexes par une éducation physique rationnelle ».
Cet ariégeois installé à Bordeaux, également connu pour son intérêt pour la méthode suédoise de gymnastique, prends contact avec Paschal Grousset, un ancien communard qui a vécu en exil en Grande Bretagne pendant onze ans où il a pu apprécié de première main le développement du sport en Albion.
Les deux compères développent cependant une idée moins aristocratique du sport que celle de Coubertin et de ses compagnons. Ils souhaitent imposer un sport de masse, - et si ce mot n’avait pas été totalement galvaudé - un sport populaire. Grousset partage également avec Tissié une certaine réluctance à la prime de la performance, qui exclut la plupart et dont les excès peuvent mettre en péril la santé des plus jeunes. « Plus vite, plus haut, plus fort » n’aurait sans doute pas été leur devise.
Le 14 octobre 1888, les deux hommes fondent la Ligue Nationale de l’Éducation Physique qui répond à la création un an plus tôt de l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA) autour du Racing et du Stade français. Les deux organisations ne s’opposent pas que dans leur philosophie, mais également dans leur mode d’organisation. Quand l’Union mets en place des championnats uniques pour chaque sport - dont le modèle est toujours le notre aujourd’hui - la Ligue s’organise autour « d’un grand concours entre les champions des écoles » qu’elle nomme Lendit, reprenant ainsi un mot oublié qui désignait de grandes fêtes d’inspiration religieuses du Moyen-Age.
Les relations entre les deux fédérations sont parfois un peu tendues. En 1890, un petit groupe de l’Union appellent les spectateurs qui assistent à l’un de ces Lendits « à conspuer la Ligue ».
Chauvinisme et anglomanie
Parmi les reproches qu’adressent ceux de la Ligue à ceux de l’Union, un thème revient régulièrement : l’anglomanie supposée ou réelle des membres de l’Union (l’Entente Cordiale est encore loin).
- Le Coup franc (Barette)
- Tiré du supplément du journal « Le Temps » de juin 1890.
Pour la Ligue, Tissié en premier lieu, les sports anglais ne sont que des anciens jeux français sous de nouveaux noms. Adieux Cricket ou Rounders, et bienvenu à la Thèque. Pourquoi parler de hockey ou de lawn-tennis, lorsqu’on pourrait jouer au Gouret ou à la Paume de Jardin ? Et quel est donc ce football (association ou rugby), si ce n’est ce jeu de ballon que l’on a appelé selon les temps et les régions : soule, choule, mèle ou barette (avec un seul r) ? Pour la Ligue, on ne jouera pas au Football, mais à la Barette, et tant pis si personne n’en connait les règles ou ne peut affirmer un lien de filiation entre les deux. La lutte contre l’influence étrangère ne s’arrête pas à de tels détails.
« Ce n’est pas le football des Anglais qu’il faut jouer sur la terre de du Guesclin et de Jeanne d’Arc, c’est la barette française, la bonne vieille barette, que les Parisiens du quinzième siècle appelaient la Rabotte. »
Du reste, il ne s’agit pas que d’une querelle de terminologie. La ligue cherche également à préserver le commerce national. L’importation des tenus et équipements venus d’Angleterre est interdit. Pays de la mode oblige, le sport français doit avoir ses propres coutumes. Le port d’une sorte de béret est notamment rendu obligatoire.
L’adaptation des jeux britanniques au caractère français est également l’un des objectifs premiers de la Ligue :
« Nos jeunes Français, sensibles, délicats quelque peu féminins dans le sens excellent du mot répugnent aux luttes brutales des anglo-saxons. Voilà pourquoi grâce à la courtoisie de la race française, le jeu de barrette n’a jamais provoqué le moindre accident, même au plus fort de la mêlée, dans l’entrainement et dans la surexcitation de l’attaque et de la défense ». « La barette est moins compliquée, tout aussi amusante, tout aussi salutaire et beaucoup moins brutale que le jeu de rugby ».
- Les Joueurs de barette et leurs tenues.
- Tiré du supplément du journal « Le Temps » de juin 1890.
De nombreuses règles du football-rugby sont ainsi amendées pour faire de la barette un jeu moins violent. Peut-être la plus importante différence : le plaquage n’existe pas. Pour arrêter le joueur qui porte le ballon, il suffit de toucher le ballon (la barette) et de crier « touché ». Le jeu s’arrête et une mêlée (un cercle) se forme. La presse parlera de football atténué.
Selon la volonté de la Ligue, les Français joueront ainsi à des jeux uniquement français et au diable la perspective de rencontres internationales jugées « inutiles » et « indésirables ». Barette et rugby restent très proches cependant, et les anciens joueurs de barette n’auront guère de difficultés à passer au rugby une fois la pratique oubliée. Par exemple, Jules Cadenat qui a joué à la barette au collège Henri IV à Béziers avant de devenir international de rugby dans les années 10.
La barette est jouée dans le milieux scolaire principalement du coté de paris (École Monge, Lycée Janson de Sailly, Lycée de Vincennes, etc.) et dans l’Est (Reims, Charleville), mais l’éclat des rencontres internationales, la mise en place d’un championnat en 1892 et l’action de propagande de l’Union enracinent rapidement le rugby et interdit tout réel développement de la barette. Sauf dans le Sud-Ouest et grâce à l’action du Dr Tissié.
La Ligue Girondine
Tissié donne naissance le 19 décembre 1888 à la Ligue Girondine d’Éducation Physique, antenne régionale de la Ligue qu’il a fondé quelques semaines plus tôt avec Paschal Grousset.
D’abord limitée à la région bordelaise, la Ligue s’organise avec l’aide du recteur Couat sur l’ensemble de l’académie bordelaise. Chaque année, les plus grandes villes de la région organisent tour à tour le Lendit annuel de la Ligue. Près de 200 écoliers y prennent part regroupés dans une quinzaine établissement scolaires du secondaire. Dans la plupart des cas, se sont les premières sociétés sportives de la ville. Point d’Association Sportive ou de Stade ici, l’originalité est de rigueur lorsqu’il s’agit de trouver un nom aux apprentis sportifs : les Epis de Bergerac, les Myosotis de la Réole, la Revanche de Libourne, les Boutons d’Or de Mont-de-Marsan, etc.
La Ligue dépasse des frontières de l’Académie (Gironde, Dordogne, Lot et Garonne, Landes, basses Pyrénées ), des rencontres sont jouées à Toulouse ou Limoges. Un projet de fédération avec les académies de Poitiers et de Toulouse est même un temps avancé.
Si conformément à l’idée initiale, plusieurs sports sont regroupés durant ces Lendits, c’est bien la barette qui constitue généralement le clou du spectacle. Quelques établissements commencent à se lancer des défis inter-scolaires en dehors des Lendits. Une pratique qui commence même à déborder du champ scolaire. En 1887, d’anciens élèves bordelais fondent une société pour poursuivre leur passion de jeunesse. Ils prennent le nom de Section Bordelaise.
En 1899, un premier championnat de barette est organisé entre trois équipes civiles de Bordeaux : les anciens élèves de l’École Navale de la Rue Croix de Séguey, le Club Athlétique Bordelais et la Section Bordelaise. Pour l’heure en Aquitaine, la barette occupe la place que le rugby va bientôt lui ravir. Un match en 1902 à Tarbes contre la Section Bordelaise attire ainsi 3 000 personnes. Cette même année 1902, d’autres anciens étudiants, béarnais cette fois-ci, fondent leur propre association : la Section Paloise.
A partir de 1901, le Dr Tissier cherche également à introduire le sport dans les écoles primaires afin de faire bénéficier « les enfants du Peuple » de la même éducation physique appliquée aux « fils de la Bourgeoisie. »
Malheureusement, les « fils de la Bourgeoisie » ne semblent guère désireux de l’aider dans sa tâche. Comme 10 ans plus tôt ailleurs en France, la pratique du football-rugby va bientôt remplacer celle de la barette. Fondé en 1889, le Stade Bordelais éclipse d’abord à Bordeaux cette version atténuée du jeu, puis rapidement dans sa vague, c’est toute l’aquitaine qui abandonne le jeu du Dr Tissié. Sans doute parmi les derniers croyants, la Section Paloise met un terme à ce chapitre de son histoire vers 1905.
Autre coup dur pour Tissié. En 1903, le ministère de l’Instruction Publique interdit les Lendits, rendant à peu près caduque sa Ligue Girondine. En 1907, le Dr Tissié créera sur les décombres de la Ligue Girondines, la Ligue Française de l’Éducation Physique dans laquelle il retrouvera ses amours de jeunesse pour la gymnastique suédoise. Cette association a survécu jusqu’à nous sous le nom de la Fédération Française d’Éducation Physique et de Gymnastique Volontaire.
L’action multiple du Dr Tissié pour le sport français sera couronnée en 1921 par une Légion d’Honneur.
Décédé en 1935, Tissié aura l’occasion de voir sa barette mourir une seconde fois après avoir été brièvement réintroduite au début des années 20 comme une pratique exclusivement féminine [2].