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1880 - Les pionniers en France

Henri Garcia
mercredi 9 juin 2021 par Jean-Luc

De jeunes anglais au havre

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« La fabuleuse histoire du rugby »
par Henri Garcia
éd. de La Martinière.

De même que la soule, florissante en Normandie huit siècles plus tôt, avait franchi la Manche avec les drakkars normands, transportant les troupes de Guillaume le Conquérant, c’est avec la Conquête commerciale, lancée par l’Angleterre dans la seconde moitié du XIXe siècle, que le football, tellement vivace dans les écoles anglaises, revient avec des sujets britanniques venus faire du business de l’autre côté du Channel, au Havre. C’est là, en effet, qu’en 1872 de jeunes Anglais se retrouvent sur un terrain vague entre la rue Augustin-Normand et la rue François-1er. Comme les règles de la Football Association sont à peine fixées, et que celles de la Rugby Football Union viennent juste d’être codifiées, c’est à un football hybride que se livrent ces jeunes gens auxquels se joignent quelques garçons de la ville. Ce sont eux qui font naître le premier club de France : le Havre Athletic Club. Pour les couleurs, afin de ne point faire de jaloux chez les universitaires britanniques qui ont lancé la société, on mélange le « dark blue » d’Oxford et le « light blue » de Cambridge ce qui donne au H.A.C. le bleu marine et le bleu ciel de son blason.
Ce sont également de jeunes Anglais négociants en tissus qui fondent à Paris le premier club de rugby-football : les English Taylors, en 1877. Ils se retrouvent au bois de Boulogne sur le terrain du tir aux pigeons, ils y rencontrent de jeunes Parisiens. Pour leurs matches, les Anglais portent un maillot bleu avec une croix de Malte rouge, tandis que les Parisiens mettent un maillot bleu avec une croix de Malte blanche. Le premier club de la capitale n’est pas comme on pourrait le croire le Racing Club de France, créé en 1882, mais le Paris Football Club, fondé en 1879 et qui, en 1885, a l’audace d’entreprendre une tournée en Angleterre où il est battu tour à tour par les Old Millhilians 10-0, le Civil Service 22-0, le Homsey Rise 26-0 et Graversant 3-0.

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Le Havre Athletic Club en 1900

voir www.hacrugby.com

Le Paris Football Club qui joue au rugby et à l’association sous les ordres respectivement de MM. Carvalho et Kemplen, ses deux capitaines, est dissous en 1886.
La première édition du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de M. Pierre Larousse, publiée en 1875, signale la création récente d’un journal de sport, mais ne parle pas de football. Le premier supplément paru en 1878 n’en mentionne pas davantage l’existence. Il faut attendre le deuxième supplément en 1890 pour y lire :
« Football (foût-bâl – de l’anglais foot, pied, et ball, ballon). Jeux. Ballon fait avec une vessie recouverte de cuir ou de caoutchouc et qu’on lance ordinairement avec le pied. Sport qui consiste à lancer le ballon avec le pied.
« Encycl. Malgré son nom anglais et sa prétendue importation récente, le football était depuis des siècles connu et pratiqué par les écoliers français sous le nom de ballon au camp. Les joueurs sont divisés en deux camps ; l’objet de la partie est de faire franchir au ballon des buts placés vers les extrémités d’un vaste parallélogramme dans lequel se meuvent les joueurs.
« En Angleterre, on joue le football de deux manières : à la mode de Rugby (célèbre école près d’Oxford) et à la manière de Londres ou mieux de l’Association pour la réforme du foot-ball. La mode de Rugby est la pure tradition nationale, elle permet de se servir des mains et des pieds, non seulement pour saisir et lancer le ballon, mais encore pour repousser ses adversaires et les empêcher de s’en emparer. La mode de Londres ne permet que l’usage des pieds. Mais dans l’un et l’autre système, on comprend que, au milieu d’une troupe d’une trentaine de jeunes gens, tous lancés à la conquête du ballon, il doit se produire plus d’une bagarre et que plus d’un coup de pied destiné au ballon, atteint les jambes des joueurs. Le foot-ball est un sport où la brutalité peut se donner libre carrière : pendant longtemps, il fut exclu de la bonne société comme disreputable game (jeu déshonoré). Mais comme il développe l’adresse, l’agilité, l’esprit d’à-propos, la force, malgré les dangers sérieux qu’il représente, car il n’est pas rare que des joueurs restent sur le carreau : nos voisins l’ont remis en honneur depuis une vingtaine d’années. L’ Association pour la réforme du foot-ball s’est donnée pour mission d’atténuer dans une certaine mesure les dangers de ce genre de sport. »

La grande première de Jean Charcot

L’un des pionniers du football-rugby en France n’est autre qu’un jeune garçon de 13 ans, qui dès 1880, alors qu’il est élève de 5e à l’École alsacienne, berceau du sport français, fonde une société scolaire avec quinze camarades. Les cartes de membres seront imprimées à 130 exemplaires et cela un an avant la fondation du Racing Club de France. Le nom de la Société : « Les Sans-nom ». Le nom du jeune garçon Jean Charcot. Mais oui ! le futur savant, célèbre spécialiste des travaux océanographiques dans les régions polaires, disparu en 1936 à bord du Pourquoi pas ? a été un passionné du rugby, finaliste du championnat en 1895 puis champion de France en 1896 dans le pack de l’Olympique, dont il avait été également l’un des fondateurs [1]. En 1880 le jeune Charcot organise l’un des tout premiers, sinon le premier, match scolaire entre les Sans-Nom et la Société des frères Carvalho. Voici sur ces débuts en France du football-rugby, son témoignage capital dans une interview donnée en 1930.

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L’Olympique
Le 16 déc. 1895 contre Oxford au Cercle des Patineurs.
Charcot est le 2e à gauche.

Voir « Le Sport universel illustré » sur Gallica

« À ce moment nous jouions du vrai rugby, selon les règles alors en faveur en Angleterre. D’ailleurs nous avions de nombreux équipiers anglais. Je crois me souvenir que Potter, qui fut ensuite capitaine de l’équipe première du Racing, était déjà des nôtres. Mon ami Waler, qui soigne encore mes vieilles dents, était un de nos meilleurs joueurs avec le docteur Henriquez, un Cubain, les frères Carvalho, deux Espagnols, Da Silva, un Brésilien qui jouait arrière ; il ne s’appelait d’ailleurs ainsi que pour jouer au rugby, car il était le fils du baron de Riobranco, ambassadeur du Brésil qui fut ensuite ministre des Affaires étrangères de son pays. Deux bons camarades étaient aussi les frères De Martel, les fils de Gyp, dont l’un, Thierry de Martel, est aujourd’hui une des sommités de la chronique française.
— Et vous-même Monsieur le professeur, jouiez à quel poste ?
— Je suis toujours resté troisième ligne, à l’aile droite, et ce poste que j’aimais, je ne l’ai pas quitté quand je suis passé plus tard au Racing. Avec une fraction dissidente, nous avions un jour formé l’Olympique qui battit les meilleures équipes françaises et aussi l’Université d’Oxford. Un maillot blanc avec un O noir encadré d’ailes de Walkyries rouges. En 1896 je jouais encore. J’étais alors étudiant en médecine, peut-être même chef de clinique. Mes loisirs diminuaient, il fallut abandonner le sport actif. Mais mon souvenir le plus cher est celui du temps où, sur la pelouse de Madrid, les camarades me hélaient « Hello Sailor ! » à cause de mon béret de marin. »

Fondation de l’U.S.F.S.A.

Il est vrai qu’en cette fin du XIXe siècle, un grand virage se dessine dans les esprits français. L’exemple des jeunes Anglais du bois de Boulogne est contagieux. Les jeunes étudiants parisiens ont apprécié ces compétitions au grand air. À défaut de toucher des couches profondes de la population, cette mode britannique obtient de réels succès dans les écoles et les universités. Les premières associations se forment : après le Paris Football Club, c’est le Racing Club de France (1882), le Stade Français (1883), puis l’Association Athlétique Alsacienne, l’Association Athlétique du lycée Buffon. Elles pratiquent surtout l’athlétisme et le football comme on désigne encore le rugby. Ce développement conduit les leaders du mouvement sportif, des jeunes à la fois pratiquants et dirigeants, à fonder le 27 novembre 1887 à Ville-d’Avray, l’Union des Sociétés françaises des sports athlétiques qui rassemble toutes les sociétés pratiquant les sports les plus divers et qui veulent mener une politique commune pour développer les sports en France. Ce mouvement, pour limité qu’il soit, n’en est pas moins insolite et soulève une indiscutable curiosité. Le Petit Français Illustré qui s’intitule « Journal des Écoliers et des Écolières » en fait mention dès son n°4, le 23 mars 1889 :
« Les enfants anglais et allemands s’adonnent plus que les jeunes français à la gymnastique et aux exercices violents. En Angleterre et en Allemagne on ne donne guère plus de sept heures au travail. Le reste du temps est consacré au jeu de paume, à la course, au ballon, au canotage, à tous les exercices du corps que nos voisins d’outre-Manche comprennent sous le nom de sport.
« On s’occupe en ce moment, en France, à remettre en honneur ces passe-temps salutaires, ces jeux qui exercent les muscles, qui développent l’agilité et l’adresse. »
Pour lutter contre une anglomanie qui traduit une certaine pédanterie, de nombreuses écoles, tant à Paris, qu’en province, n’admettent pas le football-rugby, mais une adaptation bien de chez nous, qui, on va le voir, lui ressemble comme un frère.
 
[...] Voir 1889 - Le jeu de la Barette
 
Copie assez conforme, mais un peu maniérée du football-rugby, la barette connaît une assez belle vogue dans les écoles et plus particulièrement dans le Sud et le Centre, ce qui permettra un développement plus rapide du football-rugby dans ces régions que dans le reste de la France.

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1888-89 - L’Ecole Alsacienne à Bagatelle

Un championnat pour les scolaires

L’U.S.F.S.A., dont le secrétaire général et la cheville ouvrière ne sont autres que le baron Pierre de Coubertin, prend force et le 5 avril 1890 publie le premier numéro de son hebdomadaire officiel Les Sports Athlétiques. À ce moment, quatorze sociétés sont réunies au sein de l’Union : cinq sociétés affiliées : le Racing Club de France, le Stade Français, l’Association Athlétique Alsacienne et l’Association Athlétique du lycée Buffon, et neuf sociétés reconnues le Sport Athlétique du lycée Lakanal (Sceaux), l’Association Sportive La Lenette (Janson de Sailly), l’Association Sportive de Louis-le-Grand, l’Union Athlétique du lycée Michelet (Vanves), l’Association Sportive du lycée Henri-IV, les Francs Coureurs, la Société de Sport de l’île de Puteaux, l’International Athlétique Club, et enfin le Stade Bordelais, seule société provinciale. Comme on peut le constater, les scolaires dominent nettement au sein de l’Union dont les cadres sont très jeunes.
C’est pourquoi cette année 1890 voit la naissance du premier championnat interscolaire. Il regroupe trois équipes : le lycée Lakanal, l’école Monge et l’École alsacienne. Le 25 mars, la première compétition officielle d’un sport d’équipe en France s’achève par le succès de l’école Monge sur l’École alsacienne par 6 à 1, dans le match final.
Le football-rugby est le sport collectif numéro un. Le football-association n’apparaît que par des notes brèves.
 
[...]
 
Le 29 novembre 1890, la Commission de football de l’U.S.F.S.A. est constituée. Elle comprend Pierre de Coubertin, C. Heywood, E. Saint-Chaffray , G. de Saint-Clair et L. H. Sandford. C’est sur la pelouse de Saint-Cloud, au bois de Boulogne derrière le Petit Lac, mise à la disposition par M. Kortz, proviseur du lycée Janson, qu’ont lieu les premiers matches éliminatoires du championnat interscolaire. MM. de Coubertin, Frantz Reichel et le comte de Pourtalès assistent à la rencontre opposant Michelet à Henri-IV et qu’arbitre C. Heywood, président du Stade Français.

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1900 - Lycée Janson de Sailly

Henri-IV se présente avec un arrière qui se nomme d’ailleurs Vannier, trois trois-quarts, deux demis et neuf avants. Malgré la présence d’un chêne de belle taille au beau milieu de la pelouse, la partie se déroule dans le meilleur esprit et Michelet l’emporte par 7 à 1, c’est-à-dire un but et quatre essais à un essai, puisque le but après essai seul compte et vaut trois points et que l’essai n’est récompensé que par un seul point. Le même jour, Lakanal bat Louis-le-Grand par 1 à 0.
Le jeudi suivant, sur le même terrain, il y a 400 personnes pour assister à la victoire de Buffon sur Janson-de-Sailly par 2 à 1. Buffon a joué avec un arrière, trois trois-quarts, deux demi-arrières et neuf avants. Janson-de-Sailly alignait un arrière, trois trois-quarts et onze avants. Après cette partie, l’École alsacienne et Monge n’arrivent pas à se départager et malgré une prolongation de 20 minutes restent sur le résultat de 1 à 1 et devront recommencer leur match le jeudi suivant.

L’enthousiasme des pionniers

Tandis que le premier championnat scolaire est bien parti, les matches civils s’organisent à la bonne franquette. Les clubs invitent les joueurs de toutes les sociétés à participer aux matches qu’ils organisent. Le Stade Français compte par exemple trente engagements pour le dimanche 8 février et quarante pour le lundi 9 février. Le dimanche, une équipe conduite par Heywood rencontre une formation dont le capitaine est Wiet. La curiosité du public est telle au bois de Boulogne que l’arbitre M. P. Champ doit dégager plusieurs fois le terrain. Le lendemain on retrouve à peu près les mêmes joueurs. Cette fois le camp Heywood bat le camp Reichel 6 à 2 et on lit dans Les Sports Athlétiques :
« Parmi les joueurs qui se sont distingués, citons : MM. F. Reichel, Mouchot, Colas, Sienkiewicz, Heywood, Barbin, de Coubertin, etc.
« Match du mardi 10 février : moins de monde cette fois, on se ressent des parties précédentes et un peu de repos ne serait pas nuisible. La partie ne cesse cependant d’offrir un intérêt soutenu. MM. de Coubertin, Heywood, Marcadet, Wiet, H. Foucault, malgré de bien belles courses, n’ont pu empêcher MM. Faure-Dujarric, F. Reichel, A. Foucault, Pauly, Herbet, pour ne citer que ceux-là, de terminer la partie par 14 points contre 8. »
Le moins que l’on puisse dire est que ces pionniers s’expriment avec un chaleureux enthousiasme ; trois matches en trois jours, en dehors de l’animation de leur club, de l’U.S.F.S.A. et du journal de l’Union, et en plus de leurs études ou de leur travail, il faut le faire ! À cette époque, ceux que l’on appelle les sportsmen sont animés d’ailleurs par une véritable foi. Ils sont convaincus que le sport sous toutes les formes est le moyen d’arriver à l’équilibre physique et intellectuel parfait de l’homme moderne, de l’homme du progrès, qui est déjà moralement l’homme d’un XXe siècle tout proche.

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1891 - Ecole alsacienne
Equipe finaliste du premier championnat de France interscolaire.

Après que l’École alsacienne a fini par éliminer Monge 5 à 0 à leur second match, puis qu’elle a battu Lakanal 3 à 2 en demi-finale, elle rencontre en finale du championnat scolaire Michelet qui, de son côté, a sorti Buffon par 6 à 4. Ce premier championnat qui a réuni huit associations et qui a duré quatre semaines est une grande réussite de l’U.S.F.S.A. Pour la finale du 26 février sur la pelouse de Saint-Cloud, au bois de Boulogne, il fait une température presque estivale et le public est très nombreux. Malgré les efforts des commissaires pour contenir la foule hors des limites du terrain, les joueurs ont du mal à évoluer, souvent gênés par l’enthousiasme des spectateurs indisciplinés. Cela ajoute encore à la chaleur de l’ambiance d’autant que le match est très serré. En fin de compte, l’arbitre, M. Heywood, président du Stade Français, proclame Michelet champion de France par 5 à 3. Les deux équipes ont joué dans la formation suivante :
Lycée Michelet. Arrière Bué ; trois-quarts : Délaissement, Payart ; demi-arrières : Rouard, Bourcier (capitaine) ; avants Boulet, Gravereau, Bellanger, Lebreton, A. Collas, Lincou, Mercadé, Blot, Eyrent, Ravidat.
École alsacienne. Arrière : Schmitten ; trois-quarts : Fries, Rieder, Barral ; demi-arrières : Glatron, Herbet (capitaine) ; avants : Léon de Joannis, de Pourtalès, Rousseau, Fritz Valade, Lajouanne, Simmonds, Albert de Joannis, Sarasin, Tessandier.

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1891 - Union Athlétique du Lycée Michelet
Le premier Champion de France interscolaire 1891.
H. Fouquet, H. Rouard, P. Blot, E. Bellanger, S. Mercadé, L.V. Thibouret (maître d’entraînement), L. Boucher, L. Lincou, R. Bue, R. Payart, P. Eyvrent, P. Lebreton, L. Délaissement, A. Colas, M. Ravidat, H. Warin.

Émulation et ignorance

Il est à remarquer que les équipes donnent une priorité au jeu des avants nettement plus nombreux que les arrières ; que le jeu de trois-quarts est très embryonnaire et que le terme de demi-arrières n’est que la traduction de l’expression anglaise « half-backs ». Mais tel qu’il est, ce football-rugby des premiers âges obtient un tel succès d’estime et de curiosité, que Les Sports Athlétiques décident d’offrir à tous leurs abonnés les deux photographies des équipes de football du lycée Michelet et de l’École alsacienne. Il faut bien que cette finale ait eu assez de retentissement pour qu’une revue s’en serve dans ce que l’on peut appeler une opération promotionnelle.
Ce succès crée une émulation dans les clubs civils. Le Racing Club de France forme deux équipes dont les capitaines sont Frantz Reichel et Gonzalès de Candamo. La progression rapide du Racing fait naître des jalousies et l’on accuse le club parisien de délivrer des cartes de membres gratuitement, à seule fin d’accroître ses effectifs. Fort mécontent, le Racing publie la mise au point suivante :
« Le Comité du Racing Club oppose le démenti le plus formel au bruit que certaines personnes se plaisent à faire courir et qui consisterait de la part du R.C. à admettre comme membres actifs et sans avoir ni entrée, ni cotisation à payer, les meilleurs coureurs des associations sportives. Il n’y a au R.C. que deux classes de membres : membres honoraires payant 40 francs par an et membres actifs payant 5 francs par mois. Personne n’est dispensé du payement de l’entrée qui est fixée depuis 1884 à 20 francs... »
Preuve à la fois de la fringale sportive et de l’éclectisme des sportsmen, le 11 avril 1891, malgré la pluie, les membres du Racing auxquels se sont joints quelques scolaires se livrent pour la première fois à une partie d’association que le camp de F. Reichel gagne par trois buts contre rien. Puis, après un bref repos, les mêmes joueurs disputent un match de rugby où le camp de F. Reichel manifestement supérieur, bat le camp de F. de Candamo par 5 points à rien. Le 19 mai, le Racing et le Stade Français se rencontrent avec le baron Pierre de Coubertin pour arbitre. Après une partie très animée, le Stade Français l’emporte par 3 à 0.
Ces confrontations montrent que les équipes des clubs, en particulier celles du Racing Club de France et du Stade Français, se structurent sérieusement et que leurs matches peuvent être d’un niveau comparable à ceux du championnat scolaire. Les équipes du Racing et du Stade sont de plus en plus actives, bientôt se monte une nouvelle société, les White Rovers, formée par des Anglais et des Américains, mais où d’autres sportifs peuvent jouer à la seule condition d’employer des mots anglais pour le jeu. Mais cette activité sportive, si elle a quelque résonance dans le grand public, reste encore limitée à un cercle d’initiés, comme en témoigne l’article de L’Autorité où Paul de Léoni, reprenant une chronique parue deux mois auparavant dans la Pall Mall Gazette de Londres, révèle que les statistiques ont chiffré à une cinquantaine le nombre de morts ou de blessés graves de la dernière saison en Angleterre. Et Paul de Léoni, prototype du Français moyen, ignorant à peu près tout du sport, conclut en ces termes incroyables : « Le football est un jeu meurtrier ; on sait qu’il consiste à s’envoyer de petites balles très dures au moyen de raquettes ; ces projectiles lancés d’une main sûre... » [2]
Des divergences existent entre les règles appliquées en France et celles qui se stabilisent en Grande-Bretagne ; aussi faisant un bilan satisfaisant des activités de l’année 1891, Pierre de Coubertin, rapporteur de la Commission de football, conclut en ces termes : « Il s’agit de dresser le tableau des petites différences qui subsistent entre nos règles et les règles anglaises. Il faut, en effet, regarder à l’horizon où ne tardera pas à se lever l’astre des rencontres internationales et dissiper les nuages qui l’empêcheraient de verser sur notre cher pays ses rayons bienfaisants. »

Plus de 100% par an

L’U.S.F.S.A. qui, à la fin de 1890, comptait 17 membres d’honneur et 107 membres honoraires passe respectivement à 24 et 164, en fin 1891. La progression est bien plus importante dans les associations, en voici la preuve : l’île de Puteaux passe de 373 à 586 membres ; le Racing de 48 à 124 actifs et 95 à 193 honoraires ; le Stade Français de 45 à 90 actifs et de 37 à 50 honoraires. Mais tandis que les clubs civils progressent, les associations scolaires reculent. Monge décline de 142 à 85 ; Buffon de 112 à 48. Pourtant la progression générale est remarquable. À la fin de 1891, l’U.S.F.S.A. est forte de 43 sociétés et totalise 952 membres honoraires et 3 954 membres actifs qui se répartissent ainsi : 2 561 dans les clubs civils et 1 393 dans les associations scolaires.

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Lycée Louis le Grand vers 1900

Au début de l’année, l’Union ne comptait que 487 membres honoraires, 1 399 membres actifs et 21 sociétés. Plus de 100% de progression en un an, c’est remarquable. D’autant que les racines se développent en province. À l’unique Stade Bordelais sont venus se joindre le Sport Athlétique du lycée du Mans, l’Association Sportive du lycée de Bourges, la Longue Paume du lycée Henri-Martin à Saint-Quentin, la Société des Francs Joueurs du lycée Corneille à Rouen, l’Association Athlétique du lycée de Troyes, le Lawn Tennis Club de Dieppe, l’Association Sportive du collège de Coulommiers, l’Association Sportive du Collège de Béthune et l’Union Athlétique du collège de Perpignan. Et Pierre de Coubertin qui a tenu toutes les statistiques conclut :
« Plus tard, on racontera leur histoire. Ce n’est point le rôle du présent de stationner devant l’armoire à glace autrement que pour constater rapidement s’il est habillé d’une manière correcte. Il est plus sage de regarder le passé où l’expérience se forme par condensation, et surtout l’avenir où monte l’expérience qui engendre la force. »
Malgré un tassement de leurs effectifs qui est dû à la plus forte concurrence des clubs civils, les associations scolaires restent le grand creuset du sport dans la capitale qui est, de très loin, le foyer principal pour ne pas dire unique. Leur championnat, qui a réuni trois équipes en 1890, puis huit en 1891 , regroupe au début de 1892, treize équipes. Aux huit de 1891 qui étaient les lycées Henri-IV, Michelet, Lakanal, Louis-le-Grand, Janson, Buffon et les écoles Monge et alsacienne, viennent s’ajouter les Lycées Saint-Louis et Condorcet, le collège Chaptal et les écoles Albert-le-Grand et Saint-Charles. Le 3 mars, l’Association Athlétique Alsacienne gagne la finale en battant la Société d’Exercices Physiques du lycée Condorcet par 3 à 1 : un drop de Lajouanne contre un essai de Nicolle.

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1898 - Lycée Albert-le-Grand (Arcueil)
Champion interscolaire de Paris en 1898.

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