Ce sont des noms qui ont de la gueule, c’est plus fort que avant centre ou arrière droit non ?
Mais pourquoi ?
Tout part de la soule : le jeune étudiant Web Ellis de la ville de Rugby qui en 1823 ramasse le ballon, et va dans les buts, c’est en fait une légende, qui a été révélée vers 1875, alors que le jeune étudiant en question était déjà mort ! Il fallait bien inventé la genèse et reconnaître le fait que l’on joue au football avec les règles de la ville de Rugby (c’était déjà du marketing) [1].
La soule était un jeu entre village (au Moyen-Age) qui consistait a ramener une vessie de porc derrière une ligne adverse qui pouvait être carrément dans le village voisin [2]. Aucune règle n’était établie. Ce jeu a donné dans le temps plein de variantes, et au 19e siècle bien que déjà plus structuré, il y avait plusieurs règles de « football » : ballon porté, ballon dribblé, les matchs pouvait durer 5 jours !... Le seul point commun à toutes les règles est l’objectif de marquer le but.
Au milieu du 19e siècle la base du Football est un terrain, une vessie de porc, 2 équipes qui se passent le ballon à la main ou au pied et il faut passer le but, en-dessous ou au-dessus de poteaux suivant les règles. Ce jeu se joue dans toutes les universités anglaises qui ont chacune leurs règles. Les vrais descendants de ce sport sont le foot australien, et le foot gaélique et même le foot américain.
1849 : deux courants se scindent, ceux qui ont privilégié le handling et les contacts et ceux qui ont privilégié le dribling et supprimé les contacts. La Football Association, l’ancêtre de la Fifa, est créée en 1863, avec les premières règles du football (soccer).
De l’autre coté, les autres continuent à jouer à la main et à stopper les joueurs par coup de pied ou par croc-en-jambes. Lorsque le joueur était stoppé, tous les joueurs se battaient dans une gigantesque mêlée (scrum pour scummage qui est une altération de scrimmage qui vient de scrim : canevas ou enchevêtrement) pour reprendre le ballon, la façon de scorer était le drop ou la pénalité. Puis est venu une autre façon de scorer : lorsque l’équipe passait le ballon derrière la ligne adverse, alors on avait le droit de tenter le but ! L’essai était né !
Au début, l’essai ne valait rien, la transformation valait 3 points, le drop 4 points, puis on a valorisé l’essai à 1 et le but à 2, puis l’essai à 2 et la transformation à 3 !
Les règles étaient encore disparates, cela finissait en disputes et luttes d’influence entre les quelques universités de l’époque dont celle de la ville de Rugby qui a finalement été la plus influente.
Enfin en 1871, la RFU est née [3]. On va jouer au football avec les règles de l’université de Rugby ! Les règles sont partagées, la taille du terrain, le nombre de joueurs, la durée du match. À l’époque cela se jouait à 20 contre 20 ! Les règles sont également améliorées pour clarifier le jeu et protéger les joueurs, la ligne de hors-jeu est créée (le porteur du ballon).
En 1876, le nombre de joueurs passe à 15 et le jeu se structure ! Comme le joueur qui était stoppé recevait beaucoup de coups de pied on a créé le tenu qui est devenu par la suite la mêlée fermée.
Mais le principe est toujours 15 joueurs qui se passent la balle et se battent pour la prendre à l’adversaire. On peut stopper le joueur par du hacking (coup de pied) ou par du tripping (croc-en-jambe).
Tout le monde peut tenter le but mais, depuis que la ligne de hors-jeu a été créée, on a pensé qu’il était intéressant tactiquement d’avoir 1 joueur en retrait pour récupérer une balle relâchée ou tapée par adversaire pour défendre. C’était la première fois qu’un poste spécifique avec des qualités de joueur spéciales se créait. On l’a donc logiquement appelé Back (arrière) par opposition aux autres, les Forwards, qui sont devant.
Il y a les forwards et le back ! Les avants et l’arrière. Il faut comprendre que les tactiques sont très diverses, et disparates. Dans le temps, certaines équipes jouent sans arrière, d’autres avec 2, rien n’est clairement établi.
Les tactiques s’affinent, on trouve que si l’arrière est décalé, il couvre mieux le terrain en défense. Certaines équipes créent un nouveau poste entre les avants et l’arrière, qui va se généraliser. On finit par l’appeler Half way back (à mi chemin de l’arrière) puis très vite halfback (demi arrière) alors que l’arrière devient fullback (arrière entier). Son rôle est de se jeter sur le ballon pour le récupérer lorsqu’il est éjecté de la mêlée. Très vite le besoin d’un deuxième demi se fait sentir et les demis sont désormais 2. Au fur et à mesure, un des demi est plus proche des avants et l’autre plus proche de l’arrière. Toujours pour mieux défendre et écarter plus le jeu de la pression adverse.
En 1878, une équipe, il semblerait que ce soit Cardiff, a inventé une feinte : au lieu de remettre le ballon à ses avants, un des demis a fait une petite passe au 2e demi qui était décalé, et qui a pris le trou. Cette feinte est devenu un élément du jeu, et finalement le demi a été appelé le Flyhalf (le demi volant) qui a été traduit par demi d’ouverture en français. L’autre demi, qui restait près de la mêlée, a été appelé Scrumhalf. Cette feinte est le départ d’un gros changement tactique, les demis et l’arrière ne sont plus seulement des défenseurs, mais deviennent des contre-attaquants au large.
Donc, à cette époque (dernier quart 19e siècle), on a les avants, le demi de mêlée, le demi d’ouverture et l’arrière.
A la fin du 19e, ce jeu est devenu très populaire d’abord dans les milieux bourgeois avec les universités, puis il a gagné les villes minières du nord avec ses ouvriers [4].
Les universités anglaises se sont développées notamment Oxford et Cambridge. Ce jeu devenait une véritable passion et on développait toutes les tactiques possibles. Les étudiants moins costauds, plus jeunes et plus rapides que les ouvriers, on fait évoluer petit à petit la tactique ! Principalement en aérant le jeu.
Ils ont déplacé 3 joueurs de la mêlée entre les demis et l’arrière ! Leur rôle était de défendre et d’avancer, grâce à des passes plus longues et à leur vitesse, dans les espaces vides du terrain.
Comme ces nouveaux arrières étaient placés sur le terrain entre les demis et l’arrière, ils étaient donc à 3/4 du chemin entre les avant et l’arrière, leur nom est venu de leur position, les 3/4 arrières. Il y en avait 1 qui était positionné au centre du terrain (le 3/4 centre) et 1 de chaque coté (les 3/4 ailes).
publié par Hudson & Kearns en 1895
Le 2e 3/4 centre est venu un peu par accident. En 1884, Cardiff (encore) jouait à l’extérieur, leur 3/4 centre était blessé, ils ont donc utilisé un remplaçant qui a été héroïque et a marqué 2 essais vitaux ! [5] Au match suivant le titulaire était rétabli, mais les coachs n’ont pas pu se résigner à dire au héros de rester sur le banc, et ont donc aligné 2 centres ! Cela s’est avéré tactiquement très payant. Deux ans après, le Pays de Galles l’adoptait au niveau international. [6]
Les autres noms ont également été donnés tout naturellement quand la mêlée s’est organisée en 3 lignes.
Ensuite en première ligne, on a fait la différence entre celui qui soutenait le pilier et celui qui talonnait.
by D.Gallaher & W.J.Stead - 1906
Puis de nouveaux noms sont arrivés a partir du moment où le rugby s’est internationalisé et a évolué, mais toujours en rapport à la position sur le terrain. Les Néo-Zélandais jouaient avec 2 demis d’ouverture et 1 seul centre. Pour les Néo-Z, le demi d’ouverture est devenu le premier 5/8 et le premier centre le 2e 5/8 (à mi-chemin entre le 1/2 et 3/4, ce qui donne 5/8) [7]. Il y a 3 troisièmes lignes, 1 au centre et 2 sur le flanc de la mêlée d’où le nom de flanker !
Au début du siècle, un nouveau schisme ! Les miniers du nord (Yorkshire) n’ont pas le temps de s’entraîner et veulent se professionnaliser. Ils veulent qu’on leur paye le manque à gagner lorsqu’ils jouent se déplacent et s’entraînent, ce qui est refusé. Une league est alors créée avec des sponsors. Pour rendre le jeu plus attractif et spectaculaire, ils jouent à 13 avec une mêlée réduite.
Alors que les bourgeois restaient sur l’essence du jeu : la mêlée !
Les tactiques ont finit par déterminer le « tight five », le cinq de devant qui est finalement la dernière évolution du rugby moderne : de fixer 5 de devant et de rapprocher la 3e ligne des 3/4.
Et voilà pour la petite histoire, ça explique beaucoup de choses non ?
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