C’est depuis Hendaye, dans son Pays Basque, qu’Hervé Lasbignes nous a raconté son parcours de rugbyman et de chanteur de chorale au sein de Gaztelu Zahar...
Tous les 24 Décembre de chaque année, les Dieux du Rugby ont confié une bien drôle de mission à cet homme, qu’il accomplit, avec grand bonheur, associé à 47 compères…
La mission d’Hervé Lasbignes et de ses amis, c’est d’aller chercher Olentzero dans sa montagne Pyrénéenne, et de l’accompagner en chantant chez Monsieur Lassalette. Il faut dire que ce dernier est un personnage sacré… C’est lui qui le premier a appris à Hervé, alors Benjamin au Stade Hendayais, comment faire une passe au rugby. Plus tard, du côté de Bayonne, Monsieur Roger Etcheto lui apprendra encore bien plus : il lui dira que c’est toujours à un ami que l’on fait une passe… Il lui dira aussi que le ballon est un cadeau, et que c’est pour ça qu’il faut l’accompagner jusqu’au bout des doigts. Il fera sien ce précieux conseil tout au long de son épopée ovale, jouée entre son Pays Basque natal, qu’il chérit par-dessus tout, et la Région Parisienne, rendue plus douce grâce à son entrée dans la grande famille du PUC… Merci Hervé !
Salut Hervé, je suis vraiment heureux de partager ce moment avec toi… Ce ballon « Puissance 15 », cette passe symbolique que t’adressent Alain et Serge Mourguiart, tes amis, tes frères… Tu l’as reçue comment ?
Ah… Cette passe, comme l’aurait dit Monsieur Roger Etcheto, que j’ai eu l’honneur d’avoir comme entraîneur il y a bien longtemps, je l’ai reçue comme un magnifique cadeau, et elle m’est allée droit au cœur ! D’autant qu’Alain et Serge avaient eux-mêmes reçu le « ballon » des mains de Pascal Jeanneau… Je dois dire que je suis assez fier de cette ligne d’attaque !
La passe, transmettre un ballon, ce n’est pas seulement un geste technique que l’on peut apprécier dans les sports collectifs… C’est beaucoup plus que ça… C’est comme une parole, un geste ou un sourire bienveillant… Un merveilleux moyen de partager et de communiquer des valeurs avec des personnes qui comptent pour nous. C’est pour ça qu’il est absolument nécessaire d’accompagner le ballon jusqu’au bout des doigts… Nous avons la grande chance de pouvoir le faire au rugby !
Frères Mourguiart 1985 PUC au Canada
Tu reviens de l’Ile de La Réunion il y a peu. Le hasard n’existant pas, c’est là-bas, au fin fond de l’Océan Indien, qu’un jour « Puissance 15 » a pris son envol… Qu’as-tu découvert sur la belle île ?
La Réunion, je ne la connaissais jusque-là qu’au travers de magazines télévisés, d’articles de presse écrite, ou de ce qu’avait pu m’en raconter Françoise, mon épouse, qui avait eu le bonheur (selon ses propos) d’y séjourner à deux reprises dans le années 70…
Je dois dire que tous les « à priori » positifs que j’avais en partant là-bas se sont révélés bien exacts… J’ai pu le vérifier sur place… L’ile de La Réunion est une île magnifique !
La Nouvelle Réunion
Accueilli par de vieux amis Basques vivant là-bas, j’ai aimé cette randonnée dans le Cirque de Mafate et cette nuit passée dans un gîte dans l’ilet de Marla. J’ai adoré ce moment de partage avec Nicolas, notre fiston, lors d’une longue ballade sur la lave abrasive du Piton de la Fournaise. Et que dire, sinon que c’était superbe, de ce tour de l’île en hélicoptère, de cette visite de tunnels de lave sur la côte Est, du canyoning sur la rivière Niagara en compagnie de Patxi, Réunionnais natif de Peyrehorade, patrie de notre ami Philippe Dubois ?
À Saint-Leu, nous avons aussi partagé la douleur d’un couple d’amis qui ont perdu leur enfant surfer…
Nous avons vécu là-bas la beauté des paysages, découvert des personnes accueillantes et des cultures multiples, nous avons goûté et dégusté avec plaisir les samoussas, les bonbons piment, les bouchons, les caris, les rougails… Et le rhum, arrangé ou pas, qui peut aussi… « Déranger » si on le boit sans modération !
Réunion au sommet
Dis-moi Hervé… Le début de l’histoire pour toi, c’est quand et c’est où ?
Je suis né au tout début des années 60, à Saint-Jean-de-Luz… Aussi, comme beaucoup d’Hendayais, j’ai d’abord été Luzien durant une semaine, le temps de m’adapter à la vie, puisqu’il n’y avait pas de maternité à Hendaye.
C’est donc à Hendaye que tu as poussé…
Oui, dans cette cité des « irréductibles » en tout point de vue, aussi bien géographiquement et historiquement, que politiquement… une cité à la personnalité bien trempée (tiens, je crois que de ce côté-là nous ressemblons un peu aux Berjalliens, toi qui en est !), et je pense que l’on ne fait rien pour changer en bien… comme en mal d’ailleurs !
Et quelques décennies plus tard, tu y es toujours ?
Pas très loin… à Ascain, légèrement à l’intérieur des terres, entre Hendaye et Saint-Jean-de-Luz. C’est là que je vis, avec Fanfan, mon épouse, pour ne pas (ou plutôt, pour ne plus !) m’éloigner de mes racines… de mon Pays Basque !
Est-ce à dire que tu n’as pas toujours vécu dans ton pays ?
Ile de France F_32546141
Oui, il y a bien longtemps, débutant ma carrière de prof d’E.P.S., Éducation Nationale oblige, j’ai du vivre la douloureuse expérience (mais aussi, finalement, la grande chance !) d’être muté en Région Parisienne… un exil Francilien qui durera tout de même 14 ans avant de retrouver mon cher pays.
Et là-haut, tu retrouves des plages aussi belles et ensoleillées qu’à Hendaye ?
Presque !! D’abord à Gonesse et Goussainville… S’il y avait des plages là-bas, je te jure que je l’aurais su ! Et puis, très rapidement, Gérard Krotoff, Président du PUC, illustre club aux mille valeurs, m’aide, non pas à redescendre au Pays Basque, mais à avoir une vie un peu plus équilibrée, alliant famille et rugby. J’obtiens grâce à lui une mutation professionnelle à Chelles…
Panneau Chelles - Wikipedia - Chabe01 - CCA BY-SA 4.0 International
J’y resterai 13 ans, prof au Collège « Beau Soleil »… beau soleil, c’était plutôt tentant d’un point de vue strictement « météo »… tu parles !!
Avec le recul, quelle impression globale gardes-tu de cette « expatriation » en Région Parisienne ?
Sur le moment, j’ai vraiment eu la douloureuse sensation d’être arraché de mes racines et de mes valeurs… La famille, les amis, les chants, la culture basque… Mais a contrario, cette expérience m’a également offert le privilège suprême de rencontrer d’autres personnes, venant d’autres horizons, fortes d’autres vies, d’autres histoires, d’autres idées… Des personnes avec lesquelles j’ai pu confronter mes valeurs d’éducation, et qui m’ont permis de grandir. J’ai beaucoup appris au contact de ces gamins de banlieue dont j’étais le « prof de gym », des gamins issus souvent de milieux déchirés et démunis… Ils m’ont permis de voir la vie sous un angle qui était nouveau pour moi, et au fil du temps, grâce à eux, mon regard, certainement obtus au départ, s’est, je crois (j’espère !), ouvert aux autres, pour mieux comprendre le monde et… moins souffrir.
Et en même temps tu jouais donc au PUC, avec certainement de belles rencontres aussi…
Logo PUC
Oui, de belles personnes, qui ne m’ont pas fait regretter d’avoir quitté un temps ma « Bidasoa » [1]. A Paris, grâce au PUC, j’ai eu le privilège, la fierté, le bonheur et l’honneur de rencontrer et de tisser de vrais liens d’amitié avec de belles personnes, comme Claude Haget et son épouse Isabelle, et notre si cher Pierrot Faget, hélas trop tôt disparu… Et puis, bien sûr, tant d’autres personnages encore.
Que retiens-tu en particulier de ces deux amis, Claude et Pierrot ?
Ces deux amis de jeu, de rugby, de vie, sont pour moi de ceux que l’on qualifie de « gisons » dans mon Pays Basque, ou encore de « gentlemen » dans la langue de Shakespeare… Des joueurs de rugby au talent plusieurs fois reconnu au niveau international (France Universitaire, France Militaire, France B…), des garçons simples, chaleureux, avec des têtes bien faites et bien pleines, ayant su mener de belles carrières professionnelles… Et par dessus tout, des êtres humains qui sont pour moi des exemples de vie et de respect.
5 - Canada 1985 - Pierrot Faget
Et c’est donc avec ces amis, que toi, le Basque d’Hendaye, tu découvres Paris à la mode Puciste, sur le terrain et en dehors…
Exact ! Côté terrain, on y reviendra tout à l’heure… Côté « hors du terrain », c’est vrai que j’ai eu la chance de vivre cette grande famille Puciste de l’intérieur, et de partager sa « culture » et son mode de vie… Comme ces escapades nocturnes dans le « Paris By Night », au cours desquelles j’ai été envouté par le jazz classique des Glenn Miller, Stan Getz, Ella Fitzerald et autres… Des rencontres de personnages hors du commun, comme celle d’Antoine Blondin, que le Président Krotoff m’avait présenté un soir autour d’un verre… Des « soirées-choucroute » animées au Quartier Saint-Michel, les soirs de match, en compagnie de mes « frères d’armes » Pucistes… Et tant d’autres bons moments.
Et entre le Pays Basque où tu es né, et la Région Parisienne où tu as vécu de grands moments d’amitié… Y’a-t-il une autre terre de France que tu as vissée au cœur ?
logo département du gers
Oui… le Gers, la terre de mon père. Il nous a quittés, il y aura bientôt 4 ans, et je lui ai toujours dit que je lui « accordais » 10% pour le nom, « Lasbignes », qui veut dire tout simplement dire « la vigne », mais que mes racines, ma culture, mon Pays, ma vie, c’est le Pays Basque… Ma mère s’appelle Carricart Etcheverria… et il le savait en l’épousant !
Comme beaucoup de nos régions, le Gers est un coin de France chaleureux, accueillant, peuplé de gens simples, souvent de souche paysanne, comme l’est ma famille… des gens authentiques. Et puis, le Gers, c’est un pays où la table est bonne, et c’est aussi le pays de l’Armagnac, le breuvage de d’Artagnan !
Quand tu arrives au monde, quelle place le sport tient-il dans ta famille ?
S’il n’est bien sûr pas rejeté, le sport ne fait alors pas du tout partie de la culture de mes parents…
… Ni pour ma mère, Narcisse (prénom masculin en France, mais utilisé en Espagne pour une fille… « Narcisa »… ce qui lui a valu des déboires au début de la seconde guerre mondiale, passant pour un « déserteur » en France… pour des gendarmes venus dans la maison familiale chercher, pensaient-ils, un garçon, pour qu’il aille se battre dans ce conflit mondial tragique). Dès 1936, ma maman, âgée de 6 ans, a été ballotée, une pancarte autour du cou avec quelques numéros pour seul nom, embarquée sur un cargo à Bilbao avec ses jeunes frères et sœurs pour fuir la guerre civile et le Franquisme, à destination de Clermont l’Hérault via La Rochelle.
… Ni pour mon père, Francis, qui n’a pratiqué que la course à pieds à travers les champs et les vignes gersoises pour échapper aux coups violents et incessants, images d’une enfance pauvre et douloureuse.
Mais tous les deux m’ont inculqué de belles valeurs, sur lesquelles je me suis toujours appuyé, dans ma vie d’homme comme dans ma vie de sportif : « On n’a rien sans rien, sans sacrifice, sans effort, et il faut savoir aller au delà de ses limites pour obtenir quelques satisfactions »… C’est à cette sauce là que j’ai été élevé.
Mais alors, comment rejoins-tu la terre ovale ?
logo stade hendayais rugby
De façon tout à fait banale… J’ai 11 ans, et je suis mes copains de quartier et d’école au stade Ondaraitz d’Hendaye… Ces compères d’enfance s’appellent Patrick Hirigoyen, Inaki Ormazabal, Eric Patino, Gérard San Martin, Jean-Louis Larzabal, Pierre Garayar, Pierre Camino, etc…. Et me voilà jeune benjamin du Stade Hendayais. Je découvre alors avec bonheur, au cœur de ce carré vert, l’essentiel, l’ADN, le sens de ma vie : donner pour le plaisir, comme une promesse de recevoir en retour amitié et chaleur humaine.
06- Minimes
Vous étiez beaucoup de gamins à l’école de rugby Hendayaise ?
Ah oui alors, on était un paquet… Et super motivés ! Je me souviens des efforts qu’on faisait pour montrer à notre éducateur, Henri Murillo (qui quelques années plus tard allait devenir mon professeur d’EPS, puis encore plus tard un collègue de travail !) et à nos copains, grands et petits, de quoi on était capable ballon en mains… On y mettait tout notre cœur et notre enthousiasme… Jouer avec ce ballon ovale, c’était un bonheur absolu pour nous !
A l’époque, il y avait, me semble-t-il, 2 ou 3 équipes de Benjamins, et autant de Minimes… Aujourd’hui, quarante ans plus tard, c’est moi qui suis à la place de l’éducateur comme prof d’EPS… Et je suis triste de devoir déclarer forfait en UNSS le mercredi après-midi faute de combattants… Un constat qui malheureusement peut-être fait aussi dans les autres établissements du district.
11- Kako avec Cadets Hendaye 1976
En 40 ans, tu crois que c’est quoi qui a changé ?
Les orientations, les appétences diffèrent chez nos jeunes aujourd’hui… Ce n’est pas une critique, loin de là, c’est une juste une constatation. Il y a plein de choses qui expliquent ça compte tenu de l’évolution de notre société, on en est tous conscients. La sensibilité des gamins s’exprime de façon différente. Elle n’est ni mieux, ni moins bien que celle qui nous animait quand nous avions leur âge… Elle s’est juste… déplacée. Par contre, l’éducation, l’accompagnement moral et humain au quotidien de ces jeunes, là, je ne porterai pas le même jugement… je ne peux que constater qu’il y a une dérive.
Tu as gardé quelques souvenirs de tes débuts au Stade Hendayais ?
Tiens, oui, deux anecdotes me reviennent là… La première, je suis benjamin, et à la fin d’un match contre Hasparren, je me retrouve avec le maillot entièrement déchiré, en mode « jaquette », avec une grande impression de ridicule… Ridicule dont je m’étais confié à mon père venu un instant me voir jouer, profitant d’un moment de coupure dans son travail (il était l’intendant et cuistot en chef de l’EHPAD d’Hendaye)… Ça l’avait beaucoup fait rire, car je ne voulais pas quitter le terrain… Pour moi, une seule chose comptait : rejouer ce match pour obtenir vengeance sur celui qui avait « bafoué » mon maillot blanc, les couleurs de mon club d’Hendaye…
La seconde anecdote, c’est un défi que m’avait lancé mon éducateur en Minimes… Me disant qu’il y avait une place à prendre dans l’équipe I, celle des « meilleurs », à la seule condition de ne jamais laisser passer un copain qui s’appelle Couléon, un véritable bulldozer… Une sorte de Tuigamala Hendayais ! Il n’en fallait pas plus pour me transcender… Le bulldozer n’est jamais passé, et le dimanche suivant, je joue avec les Minimes I contre l’Aviron Bayonnais, que l’on bat… Quelle fierté !!!
05- match profs élèves 75 collège Irandatz Hendaye
Et alors, sous ce maillot blanc du Stade Hendayais que tu chéris, quels sont les tous premiers personnages clé qui compteront pour toi ?
Il y aura d’abord Monsieur Raphaël Lassalette, le tout premier éducateur qui m’a appris à faire des passes, avant qu’il ne soit mon professeur de Mathématiques et de SVT et, plus tard, un partenaire de la première chorale dont je ferai partie… Et avant qu’un peu plus tard encore, il ne devienne maire d’Hendaye ! Un homme doté d’une grande bonté, d’une grande écoute et de beaucoup d’humilité… Plutôt « taiseux » comme on dit, mais quel charisme ! Chaque année, le 24 décembre, je vais chez lui avec « Gaztelu Zahar » (la chorale dont je fais partie et qui compte 48 voix) pour chanter en l’honneur de Noël et d’Olentzero… Au Pays Basque, Olentzero est un charbonnier vivant dans la montagne… Un jour, il est descendu dans la vallée pour annoncer aux villageois la nouvelle de la naissance de Jésus. C’est une tradition culturelle qui a été créée par les chanteurs de Gaztelu Zahar en 1946, perpétuée depuis partout au Pays Basque côté Français.
Il y aura aussi Monsieur Henri Murillo, mon premier professeur d’EPS, dont je t’ai parlé un peu plus haut… Il est celui qui à l’époque a pris en mains l’école de Rugby Hendayaise. Natif de Mauléon, ancien joueur de Saint-Jean-de-Luz… Et du PUC ! Un homme parfois assez froid dans sa relation aux autres, mais doué d’une connaissance parfaite de l’enfant et de ses possibilités, un homme doté de très grandes compétences, et d’une analyse fine et pertinente du jeu de rugby.
Il y aura encore Monsieur Garayar, dit « Lolo »… J’ai surtout appris, avec cet homme, ce qu’amitié signifie sur un terrain… Tout donner pour l’autre, l’ami… Comprendre et prouver par les faits que le sacrifice n’est pas un vain mot… Comprendre et être convaincu qu’il ne faut avoir peur de rien, ni de personne quand on est entouré d’amis prêts, comme toi, à tous les sacrifices pour le bonheur du groupe.
07- Kako drop contre La Teste
Et puis il y aura mes parents, bien sûr… Mes premiers supporters, comme le sont tous les parents pour leur progéniture, prêts eux aussi à tous les sacrifices pour moi.
Sans oublier tous ceux que je ne peux pas citer, car ils sont trop nombreux…
Ton premier match avec la « Une » du Stade Hendayais… Tu t’en souviens ?
Si je m’en souviens ?… Bien sûr que je m’en souviens ! J’ai 17 ans, on est au mois d’août, en pleine période estivale, et mon « petit » club d’Hendaye accueille pour un match de gala la « grande » équipe du Racing, venue sur la Côte Basque prendre quelques vacances et préparer la future saison… Je suis à l’ouverture, et mon vis-à-vis est Pierrot Bassagaits… Hendayais, ancien international et ancienne gloire du Racing, Pierrot, alors âgé de 40 ans, va m’amuser tout l’après-midi… Alors je ferai de mon mieux pour endiguer sa vista et celle de ses compères Mesny, Taffary, Péron, Decrae, etc… J’ai eu du beau monde face à moi pour ma « première » en « Une » !
18 ans en première à Hendaye
Tiens justement Hervé, raconte-nous quelques-unes de tes autres « premières fois » ovales…
Mon match de sélection, à Dax, qui m’enverra en Équipe de France Juniors avec laquelle je connaitrai ma première Marseillaise, au Stade Georges Pompidou de Valence, avant de rencontrer le Pays de Galles d’un certain Rob Ackerman. Lors du banquet d’après match, j’ai compris ce jour là, juste en observant Serge Mourguiart, mon frère d’armes et d’amitié, comment il était finalement facile d’obtenir de son adversaire direct à la fois le short, les chaussettes, le maillot et… la cravate !
Mon tout premier match sous le maillot Béglais que je porterai durant trois saisons, de 1979 à 1981… On joue Mont-de-Marsan, en Challenge Béguère. Dans le pack montois, un certain Laurent Rodriguez et, dans la ligne d’attaque, face à moi, un certain Patrick Nadal… J’ai appris ce jour là que la faim et l’envie de tout « défoncer » d’un jeune de 18 ans ne pesait pas grand-chose face à la technique et la maestria de Monsieur Nadal…
Mon premier match de Championnat de 1re division avec Bègles, à Grenoble, avec pour partenaire à la mêlée Alain Berrouet, dit « Ttaket ». Grâce à un 3e ligne adverse au doux nom de Jean de la Vaissière, ce match sera pour moi une magnifique occasion d’admirer les Alpes à l’envers, telle ces fameuses boules de verre que l’on renverse pour faire tomber la neige… à l’époque, la règle interdisant le bassin au dessus des épaules lors d’un plaquage n’existait pas encore !
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Mon premier match avec le PUC, en 1984, contre une sélection de Maoris à Auckland… Moi qui 5 jours avant ne connaissait que le stade Ondaraitz d’Hendaye, à 25.000 kms de là, me voilà face à des Néo-Zélandais en train d’exécuter leur fameux « Haka »… Je vis alors un rêve merveilleux, mais, quelques minutes plus tard, je suis très vite rattrapé par la dure réalité de la vie, dès le premier plaquage que je subis…
Tout à l’heure, tu as rendu hommage à quelques-uns de tes éducateurs qui t’ont accompagné dans ta jeunesse Hendayaise… D’autres « personnalités » sont venues après qui t’ont laissé un souvenir impérissable ?
pascal ballon
En premier lieu, sans hésitation, et sans faire ombrage à tous mes éducateurs cités précédemment, j’évoquerai Monsieur Roger Etcheto, qui m’a entraîné lors de mon séjour à la section Sport Études de Bayonne. Cet homme a eu la finesse et l’intelligence de nous parler de Rugby comme de l’histoire de la vie… Tous ses propos étaient de nous faire comprendre que sur un terrain, seul, on n’est rien, et qu’il faut donner avant de penser ou vouloir recevoir. J’ai évoqué plus haut l’état d’esprit dans lequel tu dois être quand tu essaies de faire une passe… C’est toujours à un ami que tu la fais, et non pas à un partenaire quelconque. C’est pour ça qu’il faut accompagner le ballon jusqu’au bout des doigts… Le ballon, c’est un cadeau, et c’est Roger Etcheto qui me l’a appris.
2 - Jacques Dury 1985 Entraîneur PUC Tournée Canada
Avec lui, bien sûr, un Biarrot, Monsieur Pierre Gelly, notre professeur d’EPS qui à l’époque a mis en place la section Sport Études de Bayonne. J’ai eu le privilège, le bonheur et l’honneur de faire partie de cette 1re promotion, au cœur de laquelle j’ai connu tant d’émotions, en compagnie de ceux qui deviendront pour moi des frères de jeu et de vie, Serge Mourguiart et René Martiens… Avec René, avant de se retrouver à Bayonne, on avait déjà eu l’occasion de se croiser deux fois sur un terrain de rugby, dans nos années collège, lors de 2 finales départementales, lui jouant pour le collège Marracq de Bayonne et moi pour celui d’Irandatz à Hendaye… On perd la première finale 1 essai à 0, c’est René qui m’enrhume avant de marquer… L’année suivante, c’est le collège d’Hendaye qui est sacré champion départemental, 1 essai à 0… Parce que je suis rancunier !!
Dans mes années Pucistes, je t’ai déjà parlé d’eux avec beaucoup d’affection et de respect… Claude Haget et Pierrot Faget. A Paris, j’ai aussi eu la chance d’être entraîné par Jacques Dury… Ce monsieur m’a appris à réfléchir et à « disséquer » les situations de jeu en match et à l’entraînement. C’est aussi lui qui m’a donné l’envie d’entraîner, en rendant l’entraînement ludique sans pour autant le démunir de ses substances physique, tactique et technique.
Il y a aussi un très célèbre trois-quarts centre que tu connais depuis longtemps…
Oui, bien sûr… Philippe Sella… On se connaît depuis 1981, époque à laquelle nous étions amis de chambrée au CREPS de Talence, en compagnie d’un autre grand de notre jeu : Didier Pouyau. Concernant Philippe, je ne te parlerai bien évidemment pas de son immense carrière, tout le monde la connaît et sait qu’il fait partie du Panthéon des plus grands joueurs de rugby. Alors je te parlerai de l’homme tel que je le connais depuis longtemps : humble avant, et toujours humble après ses très nombreuses sélections, un gars gentil, respectueux et fidèle en amitié.
On m’a même dit que tu lui as appris à faire les nœuds de cravate ?
Un jour d’octobre 1982, il m’a demandé de lui faire, et de lui apprendre comment faire, un nœud de cravate… celle de la grande Équipe de France… Moi, j’étais en… pyjama !! C’était juste avant qu’il ne s’envole pour la Roumanie, où il partait honorer sa première cape internationale. Depuis, avec ses 111 Sélections derrière lui, les nœuds de cravate… Il a eu tout le temps d’apprendre à les faire !
14 - Hervé Lasbignes - Philippe Sella - Serge Mourguiart belle ligne d’attaque !
Et Serge Mourguiart ?
Ah… Serge, mon ami, mon frère de jeu et de vie… C’est le meilleur, le plus grand d’entre nous tous. Serge, c’est la personne qui me connaît le mieux… A tel point qu’il anticipe mes propos, mes ressentis, mes émotions. C’est un être attentionné, sensible, proche et discret, qui écoute bien plus qu’il n’entend. D’une vivacité d’esprit hors du commun, il excelle dans l’art d’être toujours là ou on ne l’attend pas… C’est pour ça qu’il faut s’en méfier !!
C’était déjà comme ça quand gamins, vous étiez au Sport Études à Bayonne ?
Oui ! En fin de 1re année, notre prof, Monsieur Gelly, fut heureux et fier de dire que cette année-là, il avait accompagné 4 joueurs pour une éventuelle sélection en Équipe de France Juniors… et qu’il était revenu avec autant de sélectionnés ! Mais le fleuron de ce quatuor, c’était bien Serge… C’est lui qui au final sera le plus sélectionné d’entre nous tous… Lui qui sera équipier 1er du prestigieux Biarritz Olympique… Lui encore qui se verra attribuer le prix Jean Borotra, remis par l’illustre Monsieur en personne lors d’un repas récompensant celui d’entre nous qui « transpirait » le mieux l’essence même du sport…
Encore quelques autres, que tu voudrais particulièrement saluer ici ?
Bien sûr… Quoi de plus naturel pour moi que de penser à cet instant à Alain Mourguiart… un grand frère droit, généreux, franc… Alain, c’est l’ADN des Mourguiart.
4 - Nouvelle Zelande 1984 - Repos des guerriers
René Martiens aussi… Un Ami, qui répond toujours présent, quelle que soit la situation, avec un cœur gros comme ça, transpirant l’humanité, l’amitié… On se connaît depuis si longtemps !
Tous mes « frères d’armes » encore… Ceux de la « 1re » promo Sport Études de Bayonne… Ils m’ont appris à conjuguer à tous les temps le verbe « partager », un ballon dans les mains.
Tu as évoqué plus haut une tournée en Nouvelle-Zélande que tu as effectuée juste à ton arrivée au PUC en 1984… Un souvenir impérissable pour toi je crois ?
Oui, je dirais même plus… un souvenir très « intense » ! Je me rappelle que quand on a affronté les Maoris, pour connaître mon vis à vis, j’ai regardé le numéro (le n°10 !) à la sortie du tunnel, car du n°1 au n°15, ils étaient tous pareils… des clones … extrêmement gaillards !! C’est au cours de ce match, que j’ai pris mes plus beaux « cartons » !
Ce jour-là, 13 août 1984, on est le 2e dimanche du mois… C’est-à-dire le jour de la fête Basque à Hendaye… Une fête que j’ai toujours honoré depuis ma naissance avec tous mes amis d’enfance Hendayais, vêtus de nos habits traditionnels, noirs et blancs !… Ce jour-là donc, pour la première fois de ma vie, je n’y suis donc pas à Hendaye, mais à 3h00 du matin, heure Néo-Zélandaise, je suis debout sur les caisses de bières qui servent de bar, et je chante « Euskal Herriko », ému aux larmes, car je sais que de l’autre côté du globe, au même moment, « Il est un coin de France où le bonheur sourit »… comme le chantait Luis Mariano !
Ce jour-là d’août 1984, tu découvres aussi le « Hangi »…
Oui… Le « hangi », c’est le méchoui des Maoris ! Ils mettent de la nourriture (un mélange de pommes de terre, classiques et douces, de carottes, et bien sûr de mouton… on est en Nouvelle-Zélande !) dans un grand sac de jute ou dans des paniers, posés sur des pierres chauffées par un grand feu dans une fosse creusée au préalable au son des chants maoris. Le tout est recouvert de terre, et cuit pendant des heures au fond des braises immenses… De la fumée sort de terre, c’est… spectaculaire ! Pendant ce temps, Maoris et Pucistes boivent ensemble jusque tard dans la nuit !
Comment tu l’as vécue, cette tournée aux Antipodes ?
Comme un gamin qui vit un rêve, au sein de ma nouvelle équipe, le PUC, dans laquelle j’arrivais tout juste, une équipe empreinte d’une philosophie de vie mélangeant l’Esprit Rugby, Universitaire et « Britannique » qui m’a tout de suite séduit… Après une dizaine de jours passés au « Pays du nuage blanc », on s’envolait pour Singapour avec 2 matchs à la clé, et enfin pour le Sri Lanka, où on jouera contre l’équipe nationale… Quel périple !
Et puis, en Nouvelle-Zélande, j’ai aussi eu la grande chance de rencontrer et de partager de magnifiques moments avec des légendes de notre sport… Brian Williams, Andy Haden, Ian Kirkpatrick, le grand Graham Mourie, capitaine des All Blacks, et qui là-bas fut mon capitaine à moi lors… d’une descente en rafting !!!
8 - 1984 Singapour Le Chant L’esprit Puciste
Et puis, tu m’as confié que tu gardais aussi de cette tournée, entre autres, deux anecdotes qui reflètent bien, je crois, l’ « Esprit Puciste »… deux anecdotes qui permettent d’adresser un clin d’œil posthume à deux regrettées grandes « figures » du PUC d’alors…
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C’est vrai, j’ai eu le grand privilège de vivre des moments assez fous avec le PUC, un club pas comme les autres, drivé alors par le Président Gérard Krotoff, un homme hors normes, haut en couleur et d’un charisme incroyable… Un club dont le quotidien était, en dehors du terrain, souvent empreint de facéties et de franche rigolade !
Glass of cognac on the old wooden barrel
Alors oui, je me souviens que lors de cette tournée-là, lors d’un match à Rotorua, Pierrot Faget, notre capitaine, sur une des innombrables « cartouches » qu’il a pu infliger durant toute sa belle carrière, s’ouvre l’arcade sur une « fougère géante » un peu trop dure sans doute… Le soir même, après quelques palabres, il est décidé (à l’unanimité !) que « Pierrot-le- Gersois-de-Condom », sera recousu à l’hôtel même où nous logeons, par un chirurgien dentiste, ex-vieille gloire du PUC venu nous encourager aux Antipodes… A ce détail près que le fil réparateur, pour être « désinfecté », sera trempé au dernier moment dans du… Cognac ! Suprême insulte pour un fils du pays de l’Armagnac ! Pendant ce temps, le jeunot que je suis à l’époque reste médusé devant la bestialité déconcertante des « anciens »…
Et puis, comment oublier, lors de cette tournée encore, cette vision d’un autre temps, une vision surréaliste mais tellement Puciste… Celle d’avoir joué avec les encouragements de notre Président, assis au bord du terrain en blazer, cravate, clope au bec et… en slip !… conséquence d’une énorme entorse au genou qu’il s’était donnée et qu’il fallait urgemment soigner avec de la glace salvatrice…
8 - 1984 Singapour
Tu as été joueur, mais tu as entraîné aussi ?
Oui, durant mon long exil en Région Parisienne, j’ai modestement entamé une « carrière » d’entraîneur… d’abord pendant deux saisons à Lagny-sur-Marne, club alors en honneur et présidé par Monsieur Blond, le père de Xavier. Toujours en Seine-et-Marne, j’ai enchaîné ensuite avec les clubs de Noisy-le-Grand et de Villiers-sur-Marne.
Au PUC, j’ai eu l’honneur de faire la rencontre de Daniel Herrero, qui entraînait le club et qui m’a proposé de rejoindre son staff Séniors. Je me souviens qu’un jour, cherchant à me joindre, il avait téléphoné chez mes parents à Hendaye… Mon père, plus que surpris d’avoir le grand homme en ligne, lui demande s’il est le « vrai » Herrero, ce dernier lui répondant par l’affirmative… Il faut dire que mon père se méfiait (et il avait raison !) des blagues de Serge Mourguiart…
08- Kako entraîneur Lagny 1994
Et de retour au Pays Basque, tu as continué à entraîner ?
Oui, j’ai pris en mains l’entraînement des Juniors de Saint-Jean-de-Luz, et la préparation physique de l’Équipe première. Et puis ce furent ensuite les retrouvailles avec mon ami Philippe Dubois, frère de Jeff, avec qui j’ai joué au CREPS et au PUC. Ensemble, on mènera les Cadets du Comité Côte Basque au titre de Champions de France, à Narbonne.
Suivront une saison avec les Cadets de Biarritz, et une avec la Première d’Hendaye… deux années annonciatrices pour moi du début de la fin… Je sens l’étiolement de mes idées et de mes valeurs.
02- Entraîneur à Hendaye
Pourquoi ?… Comment concevais-tu ton rôle d’entraîneur ?
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Comme je suis un être entier, je me suis toujours investi dans ce rôle (avec excès, certainement !), comme un « jusqu’au- boutiste »… Je considérais l’entraînement comme un prolongement de ce que le rugby représentait pour moi, et mon éducation et ma formation n’ont pas dû m’aider à rester « modéré »…
J’ai toujours cherché à entraîner en mettant l’Amitié, le Don et le Partage en valeurs premières de l’équipe. Pour moi, il était essentiel que ces valeurs d’humanité transpirent à travers le jeu… Je n’ai peut être pas su faire passer ce message.
Quoiqu’il en soit, j’ai continué, jusqu’au jour où, demandant conseil à mon médecin de famille au sujet de mon devenir d’entraîneur, il m’a dit : « Quand comme toi on prend des antidépresseurs et qu’on voit passer des ballons au dessus de son lit la nuit dans le noir, il vaut mieux arrêter ! ». Cette mission était devenue trop exigeante pour moi, j’étais trop stressé, trop soucieux… Bref, il y avait trop de « trop »… Le temps était venu pour moi d’arrêter… Blanc ou noir, jamais gris… Le défaut de toute ma vie !
De ton parcours de rugby… Des regrets, tu en as ?
Des regrets ? Sans doute quelques-uns, mais infimes…
Celui peut-être d’avoir été déçu par mon expérience au C.A. Béglais, au sein duquel j’ai eu du mal à me fondre… Ce qui ne m’a pas empêché quand même d’y faire de très belles rencontres humaines, celles de mes amis Jean-Philippe Broussal et Laurent et Vincent Lajus.
Celui de n’avoir joué que trop peu de temps avec les frères Mourguiart au Biarritz Olympique, où je ne resterai qu’une saison…
Celui de ne pas avoir vu Nicolas, mon fils, prolonger son aventure rugbystique à cause de deux opérations des ligaments croisées… mais il est heureux quand même !!
Côté boulot, si je t’ai bien suivi, tu es donc Prof d’Éducation Physique, c’est bien ça ?
Tu as bien suivi en effet ! Mon job consiste à véhiculer des valeurs humaines à des gamins âgés de 11 à 16 ans, en me servant des Activités Physiques et Sportives… Mais notre société véhicule à ce jour, il me semble ?, des valeurs contraires à celles que l’on m’a inculquées jadis et que j’ai toujours voulu défendre… En conséquence, papi fait de la résistance !
Quand et comment as-tu eu la vocation pour ce métier ?
Creps Bordeaux
En 1979, l’année où je suis en Équipe de France Juniors, je rate mon bac, et j’ai une décision cruciale à prendre : accepter ou refuser l’opportunité qui m’est offerte d’intégrer le Bataillon de Joinville, en compagnie de mon « frère » Serge Mourguiart… Une belle occasion de m’élever dans le rugby avec l’Équipe de France militaire… Oui mais, après ?… sans le Bac… quand tu as 20 ans et que tu es amateur… quel sera ton avenir ?
Au même moment, les frères Moga me contactent et me proposent de faire mon armée à Hourtin, de tenter mon Bac en candidat libre, de passer mon concours d’entrée au CREPS de Bordeaux-Talence et… de jouer à Bègles ! C’est finalement ce chemin, plus raisonnable pour mon avenir, que je vais suivre… Et c’est en passant par là que je deviendrai Prof d’EPS.
Tu t’es fait aider pour préparer le concours d’entrée au CREPS de Talence ?
Eau Sauvage de Kako Dior
Oui, bien sûr, j’ai sollicité Serge pour quelques conseils, lui qui avait réussi le concours d’entrée l’année d’avant… Et d’ailleurs, pour le remercier, je lui ai offert un magnifique flacon d’après-rasage « Eau Sauvage de Kako Dior »… Je crois qu’il s’en souvient encore ! (ndlr : pour connaître tous les détails de cette anecdote, assez truculente en réalité, merci de prendre directement contact avec les protagonistes).
Hervé, maintenant que je te connais un peu mieux, si tu me le permets, moi aussi je vais t’appeler « Kako »… Alors dis-moi Kako, si on laisse le rugby un instant de côté… De quelle autre de tes passions as-tu envie de nous parler maintenant ?
Ah… Mon autre grande passion, héritage culturel du Pays Basque oblige quasiment, c’est… Le chant choral ! Voilà bientôt 34 ans que je chante mon Pays… D’abord, pendant 5 ans, au sein d’une chorale mixte, « Entzun » (ça veut dire « écouter »), et depuis 29 ans maintenant avec la chorale « Gaztelu Zahar », qui en basque se traduit par « Vieux château ».
Gaztelu Zahar est une chorale composée essentiellement « d’enfants d’Hendaye »… Nous sommes 49 au total, âgés de 25 à 70 ans, mais tous avec la même jeunesse enfouie au fond de nos cœurs et de nos têtes. Lorsqu’il s’agit de célébrer la vie, l’amitié, le partage, nous sommes forcément tous jeunes !
01- 60 ans de Gaztelu Zahar
Qu’est-ce qui t’a poussé au chant ?
Le chant ?… J’ai toujours chanté et aimé chanter ! En famille, avec mes amis… On sort, on va chez les uns, on va chez les autres, et très souvent… On chante ! Et le plus souvent possible, à plusieurs voix, car on aime ça.
Il y a des points communs entre le rugby et le chant ?
Oui, exactement ! Aussi bizarre que cela puisse paraître, la pratique du chant, c’est un peu comme la pratique du rugby : tu peux bien chanter seul ou essayer de jouer seul avec un ballon… Pour moi ça n’a aucun intérêt, car tu ne partages rien. A deux voix pour le chant, ou avec un grand et un petit au rugby, là… tu peux commencer à construire quelque chose d’intéressant, une œuvre commune… Et déjà à 4 voix, ou à 4 joueurs, tu tutoies le bonheur, alors après, plus on est… mieux on est !
Quand tu chantes dans une chorale, le but n’est pas « d’étouffer » la voix du copain en te mettant en avant, mais au contraire, de la mettre en valeur, cette voix de l’ami. L’ensemble donne de l’émotion, du plaisir, du bonheur… C’est une magnifique occasion de partager… Un bonheur démultiplié quand tu chantes avec les tiens loin de ton pays, comme j’ai eu la chance de le faire avec « Gaztelu Zahar » au Mexique, à Cuba ou encore au Costa Rica.
Comme au rugby, où tu dois savoir te sacrifier pour gagner le ballon, gage de passes de plaisir futures, quand tu chantes, ce sont les mêmes émotions… Tu te donnes entièrement pour un bonheur collectif… Finalement, qu’on soit grand, gros, petit, avant, trois-quarts, 1er ou 2e ténor, barytons, basse… Au cœur de la mêlée ou au chœur de la chorale, on est tous complémentaires, tendus vers un même objectif.
03- Chant entre amis
Kako, je t’assure, désormais, je ne verrai plus jamais une chorale sans penser à une équipe de rugby ! Et dis-moi, dans une chorale, il y a aussi un capitaine ?
Oui, bien sûr, c’est le « chef de chœur »… Et chez nous, il s’appelle Inaki Dieguez, un ami de 25 ans… Basque bien sûr ! Natif d’Irun, Inaki est un virtuose de l’accordéon, second au Championnat du Monde à Dublin il y a quelques années, et accordéoniste au Cirque du Soleil durant 3 ans aux Etats-Unis. Nous sommes gâtés et chanceux de l’avoir comme chef, parce qu’il est aussi bon une bière à la main qu’avec « son piano à bretelles »… Chez nous la convivialité est toujours de mise !
Où se produit « Gaztelu Zahar » ?
Nous intervenons à l’occasion de mariages, d’enterrements, d’animations publiques ou privées dans des hôtels, des monastères, des églises (l’église est certainement notre meilleure « salle », puisque nous chantons sans aucun instrument ni sonorisation)… Et même à la télé ! En effet, répondant à l’invitation de Bixente Lizarazu, enfant d’Hendaye, nous sommes allés chanter chez Michel Drucker pour l’émission « Vivement Dimanche Prochain »… Il faut dire que le père et le frère de Bixente, Jean et Peyo, chantent avec nous, alors…
Gaztelu Zahar lors de son passage à « Vivement Dimanche », le 12/12/2004
Et dis-moi, elle représente quoi finalement cette chorale ?
« Gaztelu Zahar » symbolise le patrimoine culturel et historique d’une ville, Hendaye, mais c’est aussi l’héritage charnel de tout un territoire, que l’on appelle le « Consorcio » et qui réunit une ville Française, Hendaye, et deux villes Espagnoles, Irun et Fontarrabie… Trois villes Basques qui se sont battues contre un même adversaire : le Franquisme de Franco.
En 1946, de jeunes réfugiés venant du Pays Basque Espagnol qui désiraient chanter, parler et vivre en Basque, se sont retrouvés à Hendaye avec d’autres jeunes Basques Français ayant les mêmes aspirations… Ensemble, ils ont créé « Gaztelu Zahar », il y a 72 ans de ça…
En 2015, nous avons offert aux Hendayais un spectacle pour fêter les 70 ans d’existence de « Gaztelu Zahar », la plus ancienne des chorales du Pays Basque Français… Les 3000 personnes présentes ont pleuré quand à cette occasion ont été projetées des images montrant les violences exercées lors de cette douloureuse période de notre histoire.
Kako, on arrive bientôt à la fin de ton Portrait « Puissance 15 », et je te propose d’en profiter pour adresser un clin d’œil à quelques personnes qui te sont chères… Tu penses à qui, là ?
Je pense à toutes ces personnes que j’ai évoquées dans ce parcours dont tu viens de me faire « refaire » un tour… Je suis riche de les avoir rencontrées…
Je pense à mon épouse, Françoise… « Fanfan », et à nos enfants… Nicolas, notre fils, et Eneka, notre fille… Ces 3 là sont mes racines, la pierre et le bois que je chéris à chaque instant…
Je ne partirai pas sur la pointe des pieds sans citer mes amis d’enfance Hendayais qui m’accompagnent encore aujourd’hui dans mon quotidien… Je pense à Benat Gaztelumendi et à Hélène, son épouse… à Ignace Vesga et sa compagne Marta… à Pierre et Marie-Jo Sarraillet, à Pierre et Agnès Camino, à Kottep et Gisèle Micheo et leur famille, ô combien présente dans les fêtes… 45 ans d’Amitié, et toujours ensemble, ça ne s’efface pas… même en photos !!!
Et puis, j’ai reçu cette passe de l’amitié des mains de deux frères qui sont les miens aussi… les frères Mourguiart… C’est un honneur, un privilège, une chance d’avoir reçu cette offrande en cuir de leurs mains.
Et toi, cette passe « Puissance 15 »… Tu la fais à qui maintenant ?
Je vais la faire à mon autre frère, j’en ai parlé un peu plus haut… Il était avec Serge et moi en Sport Études à Bayonne, il a joué à l’U.S. Tyrosse (un Landais donc… c’est son seul défaut !), Champion de France Reichel, il jouait talonneur, 3e ligne, 3/4 centre… un magnifique joueur qui aurait mérité une sélection nationale tant il maîtrisait aussi bien techniquement que tactiquement ces 3 postes.
Chaque fois qu’on a le plaisir de partager une « tranche de bonheur », il est le meilleur, un bout-en-train hors pair que nous admirons et que je veux saluer par cette passe de l’amitié.
Aujourd’hui Président des anciens de Tyrosse, il joue encore ! Je suis fier d’être un de ses amis, car il défend les valeurs humaines… C’est René Martiens !
Merci Hervé, pour tout, et aussi pour cette passe à René, qui va permettre à « Puissance 15 » de retourner voir de quoi il en retourne à Saint-Vincent-de-Tyrosse, une cité ovale que nous chérissons tout particulièrement…
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