« C’est la première fois que les prix ont autant augmenté »
Les supporters français sont les plus calmes. Ils flânent, boivent modérément et se plaignent d’avoir à payer environ 400 euros pour dormir.
EIDER BURGOS
LES CLÉS
Tarifs
« Une nuit ici est trop chère », explique un groupe qui a opté pour une location à Amurrio. D’autres sont partis en Cantabrie.
Prévoyants
« Nous avons acheté les tickets lors de la finale 2017 et nous avons ceux de 2019 »
BILBAO. Parmi de nombreux autres sujets, l’imaginaire du rugby représente les supporters avides de bière et de coups. Grands et bruyants, enchaînant les verres au pub (irlandais, bien sûr) vêtus dans le style d’une Saint-Patrick.
Il est vrai que les pintes envahissent les terrasses de bon matin, vous -attirées, en grande partie, par une matinée printanière- la horde des 100.000 « supporters » annoncés ne s’est pas fait remarquer (ou si peu) à l’heure de l’« hamaiketako » [1] au cœur de la ville. Beaucoup moins les fans français, qui, sans chemises ou signes extérieurs du Racing 92 se sont contentés d’une promenade tranquille hier dans les rues du Casco Viejo [2] ou assister discrètement aux activités de la ’fan zone’ installée à l’Arenal. « Ils sont très corrects », affirment les « deux Marías », María Corcuera et María Zuquía, qui distribuent depuis mercredi une carte aux « rugbiers » avec une sélection d’honorables temples de la bière artisanale de la ville et ses environs. « J’aime voir la ville pleine de ’guiris’ [3] », confie Corcuera, ravie des fans qui « peu importe combien ils boivent » sont toujours « sympas ».
Si vous regardez la marée des « supporters » - du Pays de Galles, de l’Angleterre et de l’Irlande - les Français « se voient de loin », disent-ils. "Ils sont les plus sobres, car la plupart ne parlent ni l’espagnol ni l’anglais. Mais cependant, ils sont toujours éduqués », répètent-elles.
Manger et boire.
Les ’Marias’ continuent le travail en discutant, et les visages de Yoann Rappenau et ses amis s’illuminent devant le guide de la bière, étant venu pour cela : « Pour la gastronomie et pour la bière », dit le jeune homme de Tours sans hésiter. « Quel cliché ! », lui reprochent ses compagnons. Bon : ils iront aussi au Guggenheim. Ils y vont après s’être rempli la panse au Casco Viejo. Plus précisément avec le jambon de Claudio, dont ils se souviennent en mimant avec délice. Une brève visite culturelle avant de retourner aux bars.
La nuit, ils devront retourner à Amurrio, où ils ont loué un appartement pour cinq à 400 euros la nuit. Dormir à Bilbao était « trop cher », disent-ils, et ils ont fait la réservation il y a six mois : « Nous allons depuis dix ans à Londres, Edimbourg, Dublin... et c’est la première fois que les prix ont autant augmenté », critique Patrice Gasser, un des amis.
Ce qu’ils dépensent désormais, ils le compteront en pintes. Aujourd’hui, avant d’entrer à San Mamés, tout le monde est en faveur du Racing 92... à l’exception de Patrice, dit-il avec une grande fierté. Manquerait plus que cela, lui, il est du Stade Français, la deuxième équipe de la capitale française dont la rivalité locale avec le Racing pourrait se comparer à un Real Madrid-Atlético.
En fait, dit Yoann, ils ne se soucient pas trop de qui joue. « L’important est de profiter du rugby ». Au point qu’ils ont déjà acheté les billets pour les finales de l’année prochaine, qui seront jouées à Newcastle, en Angleterre. A 50 euros les deux passes, et sans savoir quelle équipe jouera. « Bien que Vincent - le troisième en désaccord dans ce petit groupe de Tours - doive encore nous montrer qu’il mérite de refaire une finale. » Celui-ci se soucie des couleurs aussi peu que ses amis : il n’a aucune idée du rugby.
« Nous avons acheté les billets lors de la finale de l’année dernière à Édimbourg et nous avons les billets pour 2019 », raconte Fanny, entourée d’une bande de huit amis -Cédric, Perrite, Magali, Manc, Jérémie, Guilleume et Jérôme- qui éclatent de rire devant la surprise de la journaliste. Chacun est originaire d’un coin de la République : Bordeaux, Strasbourg, Perpignan, Toulouse, Genève et Paris. C’est Lyon, où ils vivent, qui les réunit, et le rugby.
- Tous pour le Racing 92 ?
- Non. Du club de nos villes !
120 euros dans un deux étoiles
Ils n’ont passé qu’une heure à Bilbao - ils dorment à Laredo, « il n’y avait rien ici » - et ils ont l’air dubitatifs si ont les interroge sur les principales attractions de la ville. « Il n’y a pas encore beaucoup d’ambiance », disent-ils, et pour le moment ils préfèrent s’enfiler des pintes dans la « bruyante » ’fan zone’ ’supporter’ de l’Arenal. « Le prix de la bière ? Cela nous semble normal ».
« Un peu gonflé, non ? », suggère Jérôme Gustin, qui, avec ses quatre amis, profite de sa première visite à Bilbao avec un air connaisseur : une demi-heure dans la ville et ils se sont déjà offert sur la terrasse du musée Guggenheim un énorme ’canon’ de bière. « Nous voulions essayer le Nerua [4], mais il était plein », disent-ils. Fort contraste avec ce qui sera sa maison jusqu’à dimanche prochain : un bungalow dans un camping à Islares pour lequel ils paieront 100 euros la nuit.
« C’est que les hôtels de Bilbao étaient très chers », souligne l’énorme Christophe Bonola, qui avec son non moins énorme collègue Thierry Blazer semblent être parmi les rares qui dorment aujourd’hui dans la ville. Ils marchent depuis Irala où ils ont trouvé ce qu’il y avait de plus abordable.
- Combien cela vous a-t-il coûté ?
- Très, très, très cher.
- Un chiffre ?
- (Il réfléchit) 120 euros par nuit et par personne dans un hôtel deux étoiles.
Le « coût abusif » ne mettra pas fin à leur week-end. Hier, ils sont allés à la finale de la Challenge Cup, et aujourd’hui ils recommencent en faveur du Racing. "Nous sommes amateurs de rugby, nous ne faisons que profiter. Que le meilleur gagne », s’exclament-ils.
- El Correo du 12-05-18
- Yann LEGOFF, Karim MADIR, Xavier DOMERGUE, Stéphane NEIL, Christian HOSTERT, Franck PERRON, Frédéric GAGNON, Arnaud GAGNON, Ahmed TARAZIT (absents sur la photo : Pierre GAGNON et Nicolas DOLET).
« Xavier (équipé de son appareil photo) et sa bande viennent à toutes les finales. » (photo Manu Cecilio).
Plus de 600 supporters parisiens débarquent aujourd’hui à Loiu
E. BURGOS
Selon le consulat français, quelques 20.000 supporters français se promèneraient à Bilbao pour la finale du rugby. Je n’ai pas eu cette impression hier. La plupart des fans arriveront aujourd’hui, se pressant les heures avant le choc qui verra s’affronter le Leinster de Dublin au Racing 92 de Paris pour la Champions Cup. Par la route, les fans d’Iparralde [5] et du sud de la France, qui peuvent presque se permettre de faire l’aller retour en moins d’une journée -plus, avec les prix d’hébergement qu’offre la ville- ; par avion, les représentants du siège de l’équipe ciel et blanc.
Quatre vols atterriront aujourd’hui sur la piste de Loiu, directement depuis les différents terminaux parisiens. En moyenne, environ 180 passagers par appareil. De l’un d’eux, cependant, débarquera une vague de 570 ’supporters’ en une seule fois.
Il s’agit du ’Boeing 747-400’, un énorme appareil mieux connu sous le nom de « Jumbo » ; pendant des décennies, le plus gros avion du monde jusqu’à l’arrivée sur le marché de l’Airbus 380’. Ce géant atterrira pour la quatrième fois de son histoire sur l’aéroport de Bilbao. Et ça ne va pas être facile. En raison de ses dimensions, autant à l’atterrissage qu’au décollage, des mesures de sécurité seront déployées sur la piste et depuis la tour de contrôle.
Demain, il retournera dans la capitale française avec cinq autres appareils. Lundi, quatre autres vols ont été programmés vers la ville de l’amour... du rugby.