1888-89 - La première tournée des Maoris en Europe

lundi 8 août 2016 par Jean-Luc

Forum de discussion en bas de page.

Le récit de la première tournée d’une équipe de l’hémisphère sud dans les Iles Britanniques durant 5 mois avec pas moins de 74 rencontres soit une moyenne de 3 matchs par semaines (la tournée la plus longue de l’histoire).
L’extrait traduit de l’anglais est issu d’un livre de 1892 « The Football Rugby Union Game ». En complément, un passage du livre de Henri Garcia « La fabuleuse histoire du rugby » permet de mieux comprendre le contexte.
Cette tournée eu un impact prépondérant dans le développement du rugby en NZ. Elle accéléra la création de la NZRFU pour notamment contrôler ce type de déplacement et permit aux Maoris d’améliorer leur système de jeu. Les « Natives » furent les précurseurs des « All Blacks ».

Extrait traduit de « The Football Rugby Union Game » by Rev. F. Marshall - 1892.

L’équipe de Football native de Nouvelle-Zélande.

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« Football Rugby Union Game »
by Rev. F. Marshall - 1892

Une particularité remarquable de la saison 1888-89 fut la visite d’une équipe de la Nouvelle-Zélande, composée de colons, de métis et de maoris. A lire les derniers titres, elle était généralement désignée pendant la tournée comme l’équipe « Maori », quoique l’appellation légitime soit celle des « Représentants du Football des natifs de Nouvelle-Zélande ». Avant de quitter la Nouvelle-Zélande, l’équipe reçu l’assistance de la Rugby Union, la liste des rencontres ayant été préparée pour eux par G. Rowland Hill. Les « boys », comme les surnommait quasi invariablement J. R. Scott, étaient sous la direction et le contrôle de J. R. Scott et T. Eyton, le premier prenant la part plus importante pour la direction de l’équipe et c’est à son énergie et son enthousiasme que l’équipe doit une grande part du succès et de la popularité acquis pendant leur séjour en Angleterre. En débutant contre le Surrey le 3 octobre et en jouant le dernier match contre les Comtés du Sud à Leyton le 27 mars, ils ont jouer pas moins de soixante-quatorze matchs en vingt-cinq semaines, dont quarante-neuf victoires, cinq nul et vingt défaite - un résultat vraiment satisfaisant, si on considère la tâche difficile supportée par l’équipe de par le nombre extraordinaire de matchs et la qualité de certaines des équipes qui leur était opposées. Le rapport aurait probablement été plus en leur faveur s’ils s’étaient contentés de jouer moins de matchs, mais les dépenses générées par la tournée étaient si importantes qu’il leur était absolument nécessaire de jouer des matchs supplémentaires pour obtenir les fonds nécessaires pour permettre à la tournée d’être un succès financier. On peut admettre que la tournée a été effectué sur des principes strictement amateur car la Rugby Union avait pratiquement le contrôle des finances puisque G. R. Hill, mandaté par le comité, avait exigé que les comptes puisse être remis à la Rugby Union si elle les demandait.

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« Football Rugby Union Game »
by Rev. F. Marshall - 1892

On peut regretter qu’en 1891 Keogh, le demi, fut déclaré professionnel par les fédérations de Nouvelle-Zélande. Durant les premiers matchs, les Néo-Zélandais sont entrés sur le terrain avec leurs nattes et coiffures traditionnelles et ont lancé leur cri bien connu « d’Ake, ake, kia, kaha » (« Pour toujours être forts et hardis ») ; et sans aucun doute la curiosité était pour beaucoup dans le nombre de spectateurs. Plus tard, quand le mérite réel de leur jeu a été reconnu, ils ont renoncé à ces spectacles promotionnels et se sont contenté de leur véritable démonstration de football pour attirer des spectateurs. Au début leur force et leur puissance en mêlée étaient les caractéristiques les plus considérables, mais au fur et à mesure que la tournée se poursuivait, ils se sont améliorés dans leur jeu et particulièrement dans les passes. Leurs arrières étaient forts et rapides et grâce à E. McCausland, ils avaient un jeu au pied des plus fiable, alors que Keogh en demi était tout à fait de première classe. Ils ont adopté le système de huit avants et trois demis et rarement leurs huit fidèles avants ont échoué à se confronter à leurs adversaires.

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George Rowland Hill
« Vanity Fair » le 1er février 1890

Leurs victoires les plus nettes furent contre l’Irlande, Swansea, Newport, le Yorkshire (la 2e équipe), Gloucestershire, Somersetshire, Blackheath, Halifax et Manchester, alors qu’ils subirent leurs défaites les plus sévères contre Middlesex, Halifax et le Yorkshire. Les matchs contre Hull, Wakefield, Swinton, Cardiff, Bradford et Huddersfield furent très disputés. Des trois matchs Internationaux, ils en ont gagné un – contre l’Irlande (4 buts 1 essai contre un but et un essai) – et perdu contre le Pays de Galles et l’Angleterre. Pour le dernier match ils s’étaient particulièrement réservés ; et quoique battu par un but et quatre essais à rien, le score ne témoigne pas du vaillant combat qu’ils ont mené, ni comment ils ont menacé pendant un moment d’abaisser les couleurs de l’équipe d’Angleterre. Avec cette tentative courageuse ils auraient reçu la reconnaissance chevaleresque de tous les sportifs anglais, si certains de leurs joueurs en quittant le terrain, n’avaient gâché leur excellente prestation par la plus enfantine et non sportive protestation contre la décision de l’arbitre, G. Rowland Hill. La Rugby Union a immédiatement fait part de sa réprobation en exigeant une excuse. Cette décision était, comme on peut bien l’imaginer, très désagréable à l’Union, mais les principes du jeu étaient toujours primordiaux dans l’esprit du Comité d’Union. Il pourrait sembler disgracieux de traiter des visiteurs de cette manière, d’autant plus qu’une interdiction de l’Union signifiait un écroulement de la tournée, mais les principes fondamentaux à la base des fonctions de l’arbitre, à savoir que sa décision concernant des faits est indiscutable et que sa personne est inviolable de quelque violence ou insulte que ce soit, ont été soutenus systématiquement par le comité.

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« Football Rugby Union Game »
by Rev. F. Marshall - 1892

La majorité des matchs fut jouée au Nord de l’Angleterre et principalement dans le Yorkshire et Lancashire, où les joueurs étaient accueillis avec plus d’enthousiasme par les adeptes du jeu et où les recettes des matchs étaient considérablement plus élevés que dans d’autres parties du pays. En faisant de Manchester et Leeds leur siège social pendant une longue période, ils purent jouer beaucoup de matchs sans devoir dépenser de grandes sommes dans des frais de déplacement.

Une tendance au jeu brutal et la pratique répréhensible, dont se livraient certains joueurs, de discuter les décisions des arbitres (et à cela leur capitaine, Joe Warbrick, a donné un très mauvais exemple à l’équipe), étaient les seules caractéristiques pour gâcher une tournée des plus réussie. Leur visite fut totalement apprécié et a plu aux populations du Nord amatrices de football. Les habitants du Sud n’ont pas autant apprécié le style de jeu et les manières des « Natives ». Indubitablement, ceux-ci formaient une combinaison forte et leur merveilleux physique était un facteur déterminant dans beaucoup de leurs victoires et dans la façon réussie dans laquelle ils accomplirent la plus nombreuse série de matchs jamais joués par une seule équipe.

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1888 - L’équipe des Maoris
J. A. Webster, G.H. Wynyard.
P. Keogh, T. Eyton (trésorier), A. Warbrick, G. A. Williams, T. R. Ellison, W. Karauria, J. R. Scott (manager), H. J. Wynyard.
W. Anderson, F. Warbrick, J. A. Warbrick (cap.), E. McCausland, H. Lee, D. Stewart.
D. Gage, W. Elliot, W. T. Wynyard, R. G. Taiaroa.

L’équipe néo-zélandaise :
Arrières : J. A. Warbrick (Capitaine) (11st. 12lb. [1]), County Hawke’s Bay ; W. Warbrick (78kg), Matata ; D. Gage (70kg), Poneke, Wellington ; E. M’Causland (70kg), Gordon, Auckland ; C. Madigan (77kg), Grafton, Auckland ; W. Wynyard (72kg), North Shore ; F. Warbrick (71kg), County Hawke’s Bay.
Demis : P. Keogh (72kg) ; C. Goldsmith ; W. Elliott (75kg), Grafton, Auckland ; Ihimaira (« Smiler »), (88kg), County Hawke’s Bay ; G. Wynyard (81kg), North Shore.
Avants : T. R. Ellison (78kg), Poneke, Wellington ; R. Maynard (80kg), North Shore ; W. Anderson (77kg), Thames ; Taare (74kg), County Hawke’s Bay ; H. Lee (88kg), Riverton ; A. Webster (88kg), Hokianga ; R. Taiaroa (74kg), Dunedin ; W. Karauria (82kg), County Hawke’s Bay ; Arthur Warbrick (84kg), Matata ; Alfred Warbrick (75kg), County Hawke’s Bay ; G. A. Williams (92kg), Poneke, Wellington ; D. Stewart (93kg), Thames ; T. Reune (83kg), Nelson ; W. Nehua (90kg), Nelson.
J. R. Scott, Manager ; T. Eyton, Trésorier.
La classification des positions ci-dessus est seulement général, ayant changée fréquemment – notamment W. Nehua, qui joua arrière, trois-quart et avant – une classification exacte ne peut être tentée.


Extrait de « La fabuleuse histoire du rugby » par Henri Garcia.

Voilà les Maoris !

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« La fabuleuse histoire du rugby »
par Henri Garcia
éd. de La Martinière.

La Rugby Union s’est élevée tout d’abord contre la tournée de 1888 [2], qu’elle considérait comme une simple entreprise commerciale. Par la suite, devant le succès sportif de l’aventure, elle a accepté de la reconnaître pour le côté missionnaire qu’elle a pu avoir, mais elle a adopté deux principes de base : qu’aucun joueur ou dirigeant ne pourra gagner de l’argent dans de semblables projets et qu’aucune équipe ne pourra se rendre aux colonies sans être sous la dépendance d’une association reconnue.

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Joe A. Warbrick
Sélectionneur et capitaine
des « Natives ».

Mais cette mesure est prise trop tard. À peine les Anglais sont-ils rentrés, qu’un autre bateau venu des antipodes voit débarquer à l’improviste une équipe des Maoris de Nouvelle-Zélande. Joe Warbrick a fait partie en 1884 de la première équipe de Nouvelle-Zélande qui est allée en Australie où elle a d’ailleurs remporté ses huit matches. Il vient également de jouer dans l’équipe qui s’est mesurée aux Anglais. Il a donc eu l’idée qu’une équipe de Maoris pouvait fort bien se défendre en Grande-Bretagne. Lui-même est un arrière ou un trois-quarts très brillant, capable de réussir de magnifiques drops. Il met au point son projet ambitieux avec un Anglais fixé en Nouvelle-Zélande, T. Eyton, qui revient juste d’un voyage en Angleterre. Joe Warbrick veut une équipe de Maoris. Mais, craignant qu’elle ne soit pas assez forte, il inclut quatre Blancs nés en Nouvelle-Zélande, afin que sa sélection soit exclusivement composée de natifs de Nouvelle-Zélande : il s’agit de Paddy Keogh, W. Elliot, G. A. Williams et C. Madigan qui vont renforcer les vingt-deux Maoris. L’équipe a au moins l’esprit de famille, puisqu’elle compte rien moins que cinq frères Warbrick, Joe le leader, William à l’arrière, Frederick à la mêlée, Arthur et Alfred en avants.
Destins tragiques des premiers capitaines de tournées. Joe Warbrick mourra quelques années plus tard, tué par le jaillissement inattendu d’un geyser à Rotorua.

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Thomas R. Ellison
Devint le capitaine de la première
sélection officielle de NZ en 1893.

Avec une tournée préliminaire en Nouvelle-Zélande de dix-huit matches, soixante-quatorze confrontations dans les îles Britanniques et quinze pour finir en Australie, les Maoris totalisent cent sept matches, à raison de trois par semaine. Dans ces conditions, leur total de soixante-dix-neuf victoires, vingt-trois défaites et cinq matches nuls est tout à fait remarquable. Leur force active étonne et leur mêlée curieusement formée en 2-3-2-1 pose de terribles problèmes aux packs adverses qui n’arrivent pas à les contenir bien qu’ils alignent souvent neuf avants contre le huit néo-zélandais. La Rugby Union organise les rencontres qui n’étaient pas prévues. Les Maoris disputent même trois matches internationaux. Ils perdent devant l’Angleterre (0-7) et le pays de Galles (0-5), mais battent l’Irlande (13-4). Au retour en Nouvelle-Zélande, T. R. Ellison, le leader de la ligne d’avants, et qui en 1893 commandera l’équipe de Nouvelle-Zélande en Australie, accuse le fameux G. Rowland Hill d’avoir fait un arbitrage lamentable dans le match contre l’Angleterre. Il s’indigne notamment qu’il ait laissé un avant anglais, Evershed, aller marquer dans des conditions scandaleuses alors que les joueurs s’étaient arrêtés de jouer pour faire cercle autour de Stoddart à qui, lui, Ellison, venait d’arracher la moitié du pantalon en essayant de l’arrêter. Il est vrai que nous sommes alors en période de féroces discussions des règles et des arbitres. Mais ce ne sont pas de tels incidents qui vont modifier le cours de l’histoire.

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1889 - New Zealand Native Rugby Football team
Le 15 juillet 1889, avant le match contre le Queensland, devant les drapeaux des tribus unies Maoris et l’Union Jack.
Dernier rang : Arthur Warbrick, Alexander Webster, James Scott (manager), George Williams, William Warbrick, Alfred Warbrick.
Assis : ‘Smiler’ Ihimaira, William Wynyard, David Gage, Joe Warbrick, Fred Warbrick, Henry Wynyard.
Premier rang : Richard Taiaroa, Thomas Ellison, Richard Maynard, Wi Karauria and Charles Goldsmith.
10 autres membres de l’équipe manquent sur la photo.

Sir George Grey Special Collections, Auckland Libraries, 4-919

Voir aussi : 1888–89 New Zealand Native football team et List of 1888–89 New Zealand Native football team matches

[1lire 11 stones 12 livres soit 75kg

[2la première grande tournée britannique de l’histoire dans l’hémisphère sud qui dura 9 mois avec une sélection de 19 Anglais, 2 Écossais et 1 Gallois




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